par Chine Labbé
PARIS (Reuters) - La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, comparaîtra devant la Cour de justice de la République (CJR) pour répondre de sa responsabilité dans l'arbitrage Tapie, la Cour de cassation ayant rejeté vendredi son pourvoi.
Le Fonds monétaire international a immédiatement fait savoir qu'il lui maintenait sa confiance.
"La Cour de cassation n'a en rien tranché la question de fond de la responsabilité de madame Christine Lagarde", a dit son avocat, Patrick Maisonneuve, dans un communiqué. "Ce débat aura lieu devant la Cour de justice et je suis convaincu que cette dernière écartera toute responsabilité de madame Lagarde."
L'avocat a rappelé que le procureur général près la CJR avait requis un non-lieu en sa faveur le 18 septembre 2015, avant la décision de la commission d'instruction de l'instance.
Un procès est envisageable avant la fin de l'année, selon une source judiciaire. Mais il faudra trouver une date qui convienne aux 12 parlementaires - six députés et six sénateurs - et aux trois magistrats appelés à délibérer, ainsi qu'à leurs suppléants, précise-t-elle.
Le procès de Christine Lagarde sera le cinquième de l'histoire de la CJR, seule cour habilitée à juger des ministres pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions. En 1999, Laurent Fabius, avait notamment comparu dans l'affaire du "sang contaminé" qui a éclaté lorsqu'il était Premier ministre, pour laquelle il a été innocenté.
Christine Lagarde, qui était ministre des Finances au moment de l'arbitrage Tapie, sera jugée pour négligence d'une personne dépositaire de l'autorité publique ayant mené au détournement par un tiers de fonds publics.
UN AN DE PRISON POSSIBLE
Ce délit est passible d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende.
La CJR devra examiner son rôle dans la décision de recourir à un arbitrage soupçonné d'avoir été un "simulacre" pour solder le litige opposant Bernard Tapie au Crédit Lyonnais sur la revente d'Adidas (DE:ADSGN).
Cet arbitrage, qui fait l'objet d'une enquête pénale dans laquelle six personnes ont été mises en examen, a accordé 404 millions d'euros en 2008 à l'homme d'affaires.
La commission d'instruction de la CJR reproche à Christine Lagarde d'avoir choisi la voie de l'arbitrage et de ne pas avoir engagé de recours contre la sentence une fois celle-ci prononcée, exposant l'Etat "au paiement de sommes indues".
"Les négligences multiples commises par un ministre ayant par ailleurs l'expérience, tout à la fois, des contentieux financiers et de la procédure d'arbitrage, sont difficilement explicables, si ce n'est pas la volonté d'imposer des choix déterminés à l'avance", a-t-elle écrit dans son ordonnance de renvoi, comme le rapporte une source judiciaire.
PLUS QU'UNE "SIMPLE NÉGLIGENCE" ?
"Le comportement de Mme Lagarde ne procède pas seulement d'une incurie et d'une précipitation critiquables, mais aussi d'une conjonction de fautes qui, par leur nature, leur nombre et leur gravité, dépassent le niveau d'une simple négligence", a-t-elle ajouté.
Devant la Cour de cassation, Christine Lagarde avait soutenu que la voie de l'arbitrage constituait "un mode normal de règlement des litiges commerciaux" et que la décision d'y recourir était impropre à caractériser une négligence.
Une argumentation qui n'a pas convaincu la plus haute juridiction française, selon laquelle les juges de la CJR ont correctement justifié leur décision.
L'arbitrage Tapie a été annulé en février 2015 par la cour d'appel de Paris, qui a conclu à la "fraude" civile, une décision confirmée fin juin par la Cour de cassation.
L'homme d'affaires a par ailleurs été condamné à rembourser les sommes versées, mais un recours contre cette décision est pendant devant la Cour de cassation.
En annulant l'arbitrage, la justice a souligné l'existence de "liens personnels anciens, étroits et répétés" entre Bernard Tapie et l'un des trois juges arbitres, Pierre Estoup, et leur "dissimulation".
Le versant non ministériel de l'enquête sur l'arbitrage a été clos fin juin. Six personnes, dont Bernard Tapie et Pierre Estoup ont été mises en examen. Le parquet devrait bientôt rendre ses réquisitions, puis ce sera aux juges de rendre leur ordonnance, de renvoi en correctionnelle ou de non-lieu.
(édité par Yves Clarisse)