PARIS (Reuters) - Les grands-parents de deux jeunes enfants français de djihadistes, blessés en Syrie, ont saisi lundi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans le but de faire condamner la France pour refus de les rapatrier, ont annoncé leurs avocats.
Les deux enfants, une fille de trois ans et un garçon de quatre ans, ont été blessés à Baghouz, dans le nord de la Syrie. Le dernier bastion de l'Etat islamique est tombé fin mars aux mains d'une alliance arabo-kurde soutenue par les puissances occidentales, après d'intenses bombardements.
Comme de nombreuses familles de djihadistes évacuées de Baghouz, les deux enfants sont détenus avec leur mère dans le camp surpeuplé d'Al Hol au Kurdistan syrien, sans "aucun soin" et souffrent de malnutrition, précise le communiqué.
L'un des enfants a reçu des éclats d'obus et n'a pas été soigné, tandis que leur mère, également blessée à Baghouz et sous le coup d'un mandat d'arrêt international délivré par une juge antiterroriste française, souffre d'une fièvre typhoïde sévère, affirment les avocats.
L'Etat français fait déjà l'objet d'une plainte de familles d'enfants de djihadistes retenus en Syrie auprès du Comité contre la torture des Nations Unies.
Les décisions de retour des enfants de djihadistes français détenus par les forces kurdes en Syrie se font "au cas par cas", a fait savoir le gouvernement français.
Mi-mars, cinq mineurs orphelins et isolés, âgés de cinq ans et moins, ont ainsi été rapatriés en France.
"INADMISSIBLE"
"C'est bien la preuve qu'on peut les rapatrier, qu'il n'y a pas de difficulté", a déclaré Me Henri Leclerc, un des avocats des grands-parents, qui était interrogé sur la chaîne de télévision CNews.
"On est en train de laisser mourir, dans des conditions atroces, ces enfants qui souffrent, qui sont soumis à des traitements inhumains et dégradants et on ne nous répond même pas sur les raisons, sur l'espoir qu'il y a de (les) ramener. (...) Il y a quelque chose qui est inadmissible."
"S'agissant des mères, elles ont des mandats d'arrêts internationaux. Elles accepteront d'être jugées en France", a estimé le célèbre pénaliste. "Il y a là quelque chose d'effrayant de savoir qu'en ce moment, nous avons des dizaines et des dizaines d'enfants qui sont en train de mourir dans des condition atroces et qui sont de nationalité française."
En refusant de rapatrier leur fille et ses deux enfants "dans un état de faiblesse extrême", la France les expose "consciemment et délibérément" à des traitements inhumains et dégradants en violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, estiment les grands-parents.
Les requérants accusent aussi la France de violer un des protocoles qui amendent la Convention, selon lequel "nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire de l'Etat dont il est ressortissant".
Le Conseil d'État a rejeté le 23 avril quatre demandes de rapatriement de ressortissantes françaises et de leurs enfants retenus en Syrie dans les camps de Roj et d'Al Hol, jugeant que cette décision ne relevait pas de sa compétence mais de celle de la diplomatie française.
(Danielle Rouquié, édité par Julie Carriat)