par David Lawder
CHENGDU, Chine (Reuters) - Les grands argentiers du Groupe des Vingt, ébranlés par l'essor des mouvements en faveur d'un nationalisme économique qui ont animé le vote pour le Brexit ou la campagne de Donald Trump, promettent une croissance plus "inclusive".
Faire partager les fruits de la croissance mondiale à un plus grand nombre sera toutefois un projet à long terme, préviennent certains responsables du G20 ainsi que des analystes.
Cet engagement ne devrait pas donner de résultats à temps pour influencer les électeurs américains lors de l'élection présidentielle du 8 novembre. Dans leur campagne, Hillary Clinton aussi bien que Donald Trump se sont prononcés contre le Partenariat transpacifique, accord de libre-échange avec l'Asie.
Au terme d'une réunion de deux jours en Chine, à Chengdun, dans la province du Sichuan, les ministres des Finances et banquiers centraux du Groupe des 20 économies les plus importantes de la planète ont souligné dimanche leur engagement en faveur d'une croissance mieux partagée, et en vue de protéger un système commercial ouvert.
Cette déclaration marque une inflexion notable dans les discours du G20.
"Les bénéfices de la croissance doivent être partagés plus largement à l'intérieur et entre les pays pour promouvoir plus d'inclusion", lit-on dans le communiqué final.
Le G20 "souligne le rôle du libre-échange et d'un système de commerce international fort et sûr pour promouvoir une croissance économique mondiale inclusive", et s'engage à produire de nouveaux efforts pour "revitaliser le commerce mondial et augmenter l'investissement."
Ces annonces contrastent avec les propos de Donald Trump qui, en acceptant l'investiture républicaine pour la course à la Maison blanche la semaine dernière, a promis de renégocier les accords de libre-échange nord-américains de l'Alena, de relever les tarifs douaniers pour la Chine et de s'opposer au Partenariat transpacifique en Asie.
"Je promets de ne jamais signer un accord commercial qui affectera nos travailleurs, ou diminuera notre liberté et notre indépendance", a-t-il dit à Cleveland.
MONTÉE DU NATIONALISME ÉCONOMIQUE
Côté démocrate, le colistier d'Hillary Clinton, Tim Kaine, qui avait un temps défendu la signature du Partenariat transPacifique, s'est ravisé après sa désignation sur le "ticket" de la candidate. Hillary Clinton appelle elle aussi à renégocier l'accord, ce qui amoindrit encore les chances de le ratifier cette année.
Le secrétaire américain au Trésor, Jack Lew, a estimé que le vote britannique en faveur d'une sortie de l'Union européenne a poussé sur le devant de la scène du G20 un problème récurrent. "Dans le sillage du Brexit, la nécessité de se concentrer sur la croissance inclusive est apparue. Il est important que cela ait été un sujet de discussion ici", a-t-il dit.
L'inflexion marquée par le G20 montre que les économies mondiales prennent la mesure d'un nationalisme économique en plein essor, qui menace d'un retour des protectionnismes, juge Paul Sracic, professeur de science politique à la Youngstown State University, dans l'Ohio.
"C'est un premier pas, mais c'est trop peu et trop tard", estime-t-il. "La prochaine administration américaine, quelle qu'elle soit, ne sera pas aussi ouverte aux relations économiques internationales que l'administration Obama. Les politiciens suivent les électeurs."
Pour David Lipton, premier directeur général adjoint du FMI, renverser "la vague du populisme" prendra du temps, mais les pays du G20 doivent agir pour que la mondialisation continue d'être un moteur de croissance à l'avenir.
"Est-ce que cela peut être fait rapidement ? Probablement que non, mais si on lance bien les choses, alors cela pourra montrer que le système vaut le coup d'être maintenu", dit-il.
De nombreuses mesures peuvent soutenir une croissance plus inclusive, estime-t-il, évoquant notamment de meilleurs programmes de formation pour les travailleurs affectés par des délocalisations, une taxation progressive sur les hauts revenus pour les plus riches, des crédits d'impôts pour les travailleurs pauvres et des investissements dans les infrastructures de transport.
De nombreux pays pourraient ne pas être en mesure de suivre les progrès de la Chine en matière de niveau de vie, et échouer à devenir d'importants moteurs de croissance si l'interconnexion mondiale faiblit, selon David Lipton.
(Julie Carriat et Véronique Tison pour le service français)