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A Cuba, 25 ans après, la page de la "période spéciale" est bien tournée

Publié le 01/09/2015 14:22
Mis à jour le 01/09/2015 14:45
Des Cubains achètent de la nourriture avec des tickets de rationnement dans les magasins d'Etat appelés Bodegas le 9 juin 2009 à La Havane (Photo Str. AFP)

Des Cubains achètent de la nourriture avec des tickets de rationnement dans les magasins d'Etat appelés Bodegas le 9 juin 2009 à La Havane (Photo Str. AFP)

La "période spéciale en temps de paix", véritable économie de guerre décrétée voici 25 ans par Fidel Castro au moment où Cuba sombrait dans la crise, est encore officiellement en vigueur à Cuba même si le traumatisme des années 1990 s'est aujourd'hui estompé.

Les années les plus noires sont désormais révolues, mais des générations de Cubains se souviennent encore de ces temps de vaches maigres qui ont suivi la chute de l'URSS. Jusqu'alors, les Soviétiques soutenaient à bout de bras l'économie cubaine, isolée par l'embargo américain.

Après la chute du mur de Berlin fin 1989, les bateaux soviétiques ont brusquement cessé d'approvisionner l'île en pétrole, céréales, lait en poudre, médicaments, intrants ou pièces détachées, provoquant une plongée du PIB (-38% en 1990) et l'apparition de graves pénuries.

Au début des années 1990, les coupures d'électricité pouvaient durer jusqu'à 16 heures par jour, les usines étaient quasiment paralysées, le carnet de rationnement ("libreta") ne parvenait plus à nourrir les familles et les Cubains devaient circuler à vélo, avec le système D et le marché noir pour seuls recours.

Plongés dans la misère, de nombreux Cubains se voyaient parfois contraints à préparer des recettes singulières pour se donner l'illusion d'un repas. Aujourd'hui beaucoup gardent encore en mémoire les "steaks de pelure de pamplemousse", les "beignets de farine" ou les "steaks hachés de peaux de banane".

Au fil de ces mois funestes, les milieux anti-castristes de Floride ont plusieurs fois pronostiqué l'effondrement imminent du régime communiste. Mais Fidel Castro a pris les devants, réussissant l'exploit d'éviter la déroute.

- Tourisme : l'armée aux commandes -

Le 29 août 1990, la presse officielle cubaine publie un avis du gouvernement annonçant de sévères restrictions sur la consommation de combustibles et d'autres produits essentiels, ainsi que l'interruption des investissements de l'Etat. C'est le point de départ de ce que Fidel Castro avait présenté quelques mois auparavant comme "la période spéciale en temps de paix".

Conçu pour répondre à une situation de conflit à partir de 1986, peu après que l'URSS eut signifié aux Cubains la fin de son appui militaire en cas d'agression, ce plan a été adapté aux temps de paix par le lider Maximo.

En 1993, le régime passe à la vitesse supérieure en concédant une série de réformes pour donner un peu d'air à une économie encore exsangue. Le pays s'ouvre alors au tourisme et à l'investissement étranger et autorise la circulation de la monnaie de l'ennemi, le dollar.

Dans le même temps, l'armée, aux mains de son frère Raul, met la main sur le tourisme, manne dont elle contrôle encore aujourd'hui les principaux leviers.

Malgré ces mesures, la reprise et lente et les pénuries provoquent en août 1994 à La Havane la plus grande manifestation de l'histoire du régime, baptisée plus tard le "Maleconazo". Au cours du même été, les autorités laisseront 36.000 Cubains partir vers les Etats-Unis à bord d'embarcations de fortune lors de la "crise des balseros".

- 15 années perdues -

L'économie cubaine ne commença à se redresser qu'à partir de 1997. Et c'est l'arrivée au pouvoir au Venezuela d'Hugo Chavez, héritier politique et "fils spirituel" de Fidel Castro, qui permet à Cuba de véritablement sortir de la crise à partir de 1999.

"Pour moi les premières années furent très mauvaises, c'était la crise presque totale. Cela a été surmonté. Les transports se sont améliorés, l'offre de produits agricoles et d'autres produits de consommation aussi, et la population n'est plus autant affectée qu'avant", explique à l'AFP l'économiste Omar Everleny Perez, de l'Université de La Havane.

Si elle n'a jamais été officiellement close, certains affirment que la "période spéciale" n'a vraiment duré que cinq ans. Pour d'autres c'est plutôt 10 ans, voire 15.

"Les niveaux du PIB atteints en 1989 n'ont pu être atteints de nouveau qu'en 2004, cela aurait donc coûté au pays 15 ans dans son processus de développement avec beaucoup de dommages et de sacrifices", estimait récemment l'ex-ministre de l'Economie Jose Luis Rodriguez.

En 2013, la mort de Hugo Chavez avait soulevé une vague d'inquiétude et ranimé le spectre de la "période spéciale" en cas de rupture avec le principal partenaire commercial de Cuba. Mais dans le même temps, les réformes des autorités de l'île, leurs efforts pour diversifier leurs partenariats et le récent rapprochement engagé avec les Etats-Unis rassurent et nourrissent de nombreux espoirs parmi les Cubains.

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