par Jessie Pang et Clare Jim
HONG KONG (Reuters) - La cheffe de l'exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, a affirmé mardi n'avoir jamais demandé aux autorités de Pékin de la relever de ses fonctions pour tenter de sortir de la crise que traverse la région administrative spéciale.
Sa mise au point est un démenti à des informations de l'agence Reuters faisant état d'une discussion en privé au cours de laquelle la dirigeante a indiqué qu'elle aurait démissionné si elle avait pu le faire.
"Je n'ai jamais évoqué l'hypothèse d'une démission auprès du gouvernement central", a déclaré Carrie Lam. "La choix de démissionner ne relève que de moi."
Selon Reuters, Lam a déclaré la semaine dernière à des chefs d'entreprises qu'elle avait provoqué des dégâts "impardonnables" en déclenchant la crise politique à Hong Kong avec son projet de loi, désormais suspendu, qui aurait permis l'extradition de suspects vers la Chine continentale.
Dans un enregistrement de 24 minutes de cette discussion que Reuters s'est procuré, Lam déclare en anglais: "Si j'avais le choix, la première chose serait de démissionner après avoir présenté de profondes excuses."
La dirigeante de l'exécutif hongkongais, en fonction depuis juillet 2017, explique aussi que sa capacité à sortir de la crise est "très, très limitée" à présent que la crise hongkongaise est devenue une question de sécurité et souveraineté nationale pour la direction chinoise à Pékin.
Elle dit être tenue par la mini-Constitution de "devoir servir deux maîtres, à savoir le gouvernement populaire central et la population de Hong Kong" et ajoute que dans cette configuration, "la marge de manoeuvre politique est très, très étroite".
Trois personnes ayant participé à cette rencontre ont confirmé qu'elle avait tenu ces propos.
PÉKIN RÉAFFIRME SON SOUTIEN À CARRIE LAM,
A Pékin, lors d'une conférence de presse donnée par les porte-parole du Bureau chinois chargé des Affaires de Hong Kong et de Macao, la question de l'enregistrement n'a pas été posée.
Mais les deux porte-parole ont dénoncé les tentatives d'exploitation de la crise hongkongaise par l'Occident pour s'ingérer dans les affaires intérieures chinoises.
Ils ont également indiqué que le gouvernement central soutenait fermement Carrie Lam et son gouvernement, tout en soulignant que Pékin ne pourrait rester indéfiniment les bras croisés si la crise se poursuit.
"Le gouvernement central ne tolérera pas que le chaos à Hong Kong continue indéfiniment", a dit une porte-parole.
"Si la situation à Hong Kong continue de se dégrader et qu'elle crée des turbulences échappant au contrôle du gouvernement de la région administrative spéciale et mettant en danger la souveraineté et la sécurité du pays, le gouvernement central ne restera pas passif", a-t-elle ajouté.
Le Global Times, tabloïd chinois publié par Le Quotidien du peuple, l'organe central du Parti communiste chinois, a récusé pour sa part les informations de Reuters.
"Reuters et d'autres médias occidentaux se sont empêtrés dans une fausse nouvelle selon laquelle 'une démission de Carrie Lam n'a pas été autorisée", ce qui constitue une grave transgression des règles de base de l'éthique professionnelle", peut-on lire dans un éditorial diffusé sur le site internet du journal. "Ils ne rendent pas compte objectivement des faits."
LA CONTESTATION NE FAIBLIT PAS
Le mouvement de contestation, né en avril du refus du projet de loi d'extradition vers la Chine, s'est depuis élargi à des revendications plus larges, dont la protection des libertés et de l'autonomie dont jouit l'ancienne colonie britannique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997.
Les manifestants réclament aussi la démission de Carrie Lam, qu'ils considèrent comme une "marionnette" du gouvernement central et qu'ils jugent incapable de préserver le statut particulier d'autonomie du territoire.
Nombre de Hongkongais estiment que ce régime particulier, résumé par la formule "un pays, deux systèmes", est aujourd'hui menacé par l'emprise croissante qu'exerce le gouvernement central chinois.
La contestation, qui pèse aussi sur l'activité économique du territoire, constitue un défi sans précédent pour le président chinois Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir, en 2012.
Pékin, qui accuse d'ingérence certaines puissances étrangères - en premier lieu les Etats-Unis - soupçonnées d'être instigatrices du mouvement de contestation, a prévenu qu'il pourrait intervenir pour mettre fin à la crise à Hong Kong si cela était nécessaire et le porte-parole du gouvernement chinois, Geng Shuang, a réaffirmé ce lundi le soutien de Pékin à Carrie Lam, la dirigeante de l'exécutif hongkongais.
Les militants pro-démocratie ne désarment pas en dépit des incidents de plus en plus nombreux en marge de leurs rassemblements et des menaces explicites de Pékin.
Le climat était toujours tendu lundi soir, avec quelques échauffourées lorsque la nuit est tombée, au cours desquelles la police a tiré du gaz lacrymogène. Cela intervient après un week-end de manifestations marqué par de nouveaux heurts entre contestataires et forces de l'ordre.
Depuis le début de la contestation, la police a arrêté plus de 1.140 personnes, parmi lesquelles des militants connus comme Joshua Wong, l'un des chefs de file du mouvement pro-démocrate des "parapluies", en 2014.
(Avec Greg Torode, James Pomfret et Anne Marie Roantree à Hong Kong et Ben Blanchard à Pékin; Arthur Connan et Henri-Pierre André pour le service français)