PARIS (Reuters) - Le Conseil constitutionnel devra se prononcer dans les trois mois sur la conformité à la Constitution des quatre jours de garde à vue de Bernard Tapie dans l'enquête sur l'arbitrage de 2008 avec le Crédit lyonnais.
La Cour de cassation a saisi mercredi les "Sages" d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à ce sujet.
La chambre criminelle de la plus haute juridiction française a suivi l'avis de l'avocat général, qui, à l'audience, avait qualifié de "sérieuse" la question posée dans cette QPC.
Le chef de poursuites retenu contre l'homme d'affaires, à savoir l'escroquerie en bande organisée, avait permis aux enquêteurs de prolonger sa garde à vue jusqu'à 96 heures, une durée exceptionnelle contestée par ses avocats.
La décision du Conseil constitutionnel pourrait, si elle aboutissait à une censure de la loi, rendre caducs certains actes de l'enquête sur l'arbitrage ayant soldé le litige entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais sur la revente d'Adidas.
La validité des deux derniers jours de garde à vue de l'homme d'affaires et de tous les actes qui en découlent pourrait en effet être remise en question.
Pour justifier leur démarche, les avocats de la défense s'appuient notamment sur une récente décision du Conseil constitutionnel.
En décembre dernier, celui-ci a jugé, au regard du principe de proportionnalité, qu'il n'était pas possible de recourir à une garde à vue de quatre jours dans les affaires de fraude fiscale aggravée.
Une loi adoptée le 27 mai dernier a maintenu la possibilité de cette garde à vue exceptionnelle pour l'escroquerie en bande organisée, mais sous plusieurs conditions.
Les faits incriminés doivent ainsi porter atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, attenter aux intérêts fondamentaux de la nation ou avoir été commis hors de France.
Dans son arrêt rendu mercredi, la Cour de cassation souligne que le délit d'escroquerie en bande organisée "ne porte pas, en lui-même, atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes" et qu'une garde à vue de quatre jours dans ces conditions est "susceptible" de porter à la liberté individuelle et aux droits de la défense.
Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne, l'un des juges arbitres, Pierre Estoup, le PDG d'Orange Stéphane Richard et Jean-François Rocchi, ancien président du Consortium de réalisation (CDR), ont été mis en examen pour escroquerie en bande organisée dans cette affaire où les enquêteurs soupçonnent un "simulacre d'arbitrage".
En 2008, un tribunal arbitral a condamné le CDR, structure créée en 1995 pour gérer le passif du Crédit Lyonnais après sa quasi-faillite, à verser à Bernard Tapie 285 millions d'euros d'indemnités, dont 45 millions à titre de préjudice moral (403 millions d'euros avec les intérêts).
(Chine Labbé, édité par Sophie Louet)