par John Irish et Francois Murphy
VIENNE (Reuters) - Les Européens n'ont pas apporté suffisamment de réponses aux demandes des Iraniens pour les convaincre de rester dans le cadre de l'accord de juillet 2015 sur leur programme nucléaire, a annoncé l'émissaire de Téhéran à l'issue d'une réunion de la "dernière chance" organisée vendredi à Vienne.
"Il y a eu une avancée mais pas encore suffisante et qui ne répond pas aux attentes de l'Iran", a dit aux journalistes Abbas Araqchi, vice-ministre iranien des Affaires étrangères, à l'issue de la réunion de Vienne. "Je vais rendre compte à Téhéran, à qui reviendra la décision finale."
La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ainsi que la Chine et la Russie - les cinq pays toujours parties prenantes de l'accord conclu il y a quatre ans avec l'Iran - ont tenté de convaincre la délégation iranienne de rester dans les clous du Plan d'action global conjoint (PAGC).
Car, un an jour pour jour après la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis du PAGC et de rétablir des sanctions contre l'Iran, les autorités iraniennes ont annoncé le 8 mai dernier qu'elles suspendaient certains engagements pris dans le cadre de cet accord.
La République islamique menace de renoncer à d'autres éléments du PAGC. Ses stocks d'uranium enrichi notamment sont sur le point de dépasser le plafond fixé par l'accord de 2015.
Les Européens préviennent qu'une sortie iranienne du cadre défini par le PAGC amplifierait la confrontation alors que les tensions militaires entre Téhéran et Washington dans le Golfe menacent de dégénérer.
"Nous voulons qu'ils restent dans l'accord, mais nous n'accepterons pas qu'ils nous mènent en bateau", a indiqué un haut diplomate européen.
Téhéran reproche aux derniers signataires de l'accord, Européens en tête, de ne pas avoir suffisamment agi pour protéger l'Iran des sanctions américaines, qui frappent d'autant plus durement son économie que Washington a mis fin le mois dernier aux dérogations dont bénéficiaient encore certains pays pour acheter du pétrole à Téhéran.
"Je pense que cette réunion peut être la dernière chance pour les parties restantes (...) de se réunir et de voir comment elles peuvent honorer les engagements pris vis-à-vis de l'Iran", avait indiqué le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Abbas Mousavi.
WASHINGTON INÉBRANLABLE
"Pendant un an nous avons fait preuve de patience. Maintenant, c'est au tour des Européens. Ils doivent essayer de trouver des solutions, des solutions pratiques. Il y a toujours assez de temps pour la diplomatie et il y a toujours la possibilité de revenir en arrière", avait-il ajouté.
En cas de manquement de l'Iran à ses obligations, les puissances européennes pourraient rétablir des sanctions, via un processus connu sous le nom anglais de "snapback" (littéralement refermer brusquement).
Les Européens placent l'essentiel de leurs espoirs dans le mécanisme Instex de compensation financière, destiné à permettre la poursuite des transactions commerciales avec l'Iran sans recourir au dollar.
Au soir de la réunion de Vienne, ils ont annoncé que ce système, créé il y a six mois, était enfin opérationnel.
"La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont informé les participants qu'Instex était opérationnel et accessible à tous les Etats membres de l'UE. Les premières transactions sont en train d'être traitées", a annoncé le Service d'action extérieure de l'UE dans un communiqué.
Mais des diplomates ont prévenu qu'il ne servira qu'à de faibles échanges sur des biens comme les médicaments, et non sur de gros volumes de pétrole.
En visite à Londres, l'émissaire spécial des Etats-Unis pour l'Iran Brian Hook a redit vendredi qu'une seule alternative s'offrait aux entreprises européennes: travailler avec les Etats-Unis, ou travailler avec l'Iran.
Il a ajouté que tout pays qui importerait du pétrole iranien serait sanctionné par les Etats-Unis et qu'il n'y avait plus aucune exonération.
"Nous sanctionnerons toute importation de pétrole brut iranien", a-t-il dit en réponse à une question sur des ventes de brut iranien à l'Asie. "Actuellement, plus aucune exonération n'est en vigueur", a-t-il dit aux journalistes.
L'émissaire chinois à Vienne a dénoncé la position américaine.
"Nous rejetons l'imposition unilatérale de sanctions. Pour nous, la sécurité énergétique est importante", a dit Fu Cong, directeur général chargé du contrôle des armements au ministère chinois des Affaires étrangères. "Nous n'acceptons pas cette politique de zéro (vente de pétrole iranien) décidée par les Etats-Unis", a-t-il ajouté.
Téhéran, a rapporté Reuters ce mois-ci, vend des volumes de plus en plus importants de produits pétrochimiques, à des prix inférieurs à ceux du marché, à des pays comme le Brésil, la Chine et l'Inde, depuis que les Etats-Unis ont rétabli les sanctions sur les exportations pétrolières de l'Iran en novembre dernier.
(Avec Bozorgmehr Sharafedin, Guy Faulconbridge à Londres, Parisa Hafezi à Dubai et Robin Emmott à Bruxelles; Nicolas Delame, Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français, édité par Henri-Pierre André)