PARIS (Reuters) - Les députés ont approuvé mardi par 454 voix contre 80 le projet de transformation de la SNCF, dont les termes ont provoqué une grève des cheminots d'une ampleur inédite et qui constitue un test de la détermination d'Emmanuel Macron à mener des réformes.
Le projet de loi "pour un nouveau pacte ferroviaire" passera entre les mains des sénateurs à partir du 23 mai en commission et du 29 mai en séance.
Le gouvernement espère un vote définitif sur ce texte "au plus tard début juillet", précise-t-on au ministère des Transports.
Le groupe Les Républicains (LR), constitué d'une centaine de députés, a décidé à la dernière minute de voter en faveur du texte tout en demandant au gouvernement des avancées en matière de financement de la dette de la SNCF et des garanties sur le maintien des "petites lignes" ferroviaires.
Une consigne que n'ont pas suivie tous les députés LR : deux d'entre eux ont voté contre, avec l'opposition de gauche et le Front nationale, et 24 autres se sont abstenus.
"Ça montre effectivement qu'il y a une très large majorité au Parlement qui souhaitait mener à bien cette réforme et je dis qu'en même temps il y a des avancées sur les modalités d'ouverture à la concurrence, sur les garanties pour les cheminots", a réagi la ministre chargée du dossier, Elisabeth Borne, devant la presse.
"J'espère que ce sera entendu", a-t-elle ajouté à l'adresse des syndicats.
Les discussions politiques se doublent d'une concertation avec les organisations représentatives - CGT, Unsa, Sud et CFDT - qui n'ont pas perdu l'espoir de faire reculer le gouvernement et poursuivent leur grève d'usure entamée le 3 avril.
Après trois épisodes de deux jours de grève, le mouvement doit reprendre ce mardi soir pour 48 heures, selon le calendrier défini par les syndicats.
Voici les principales dispositions du projet de loi "pour un nouveau pacte ferroviaire".
* CHANGEMENT DE STATUT DE LA SNCF
Le texte autorise le gouvernement à transformer par ordonnance la SNCF en société nationale à capitaux publics, détenue à 100% par l'Etat, à partir du 1er janvier 2020. La loi empêche toute possibilité de cession de participation puisque l'intégralité des capitaux devra être détenue par l'Etat, même en cas d'augmentation du capital.
"Je le garantis absolument, c'est écrit dans la loi, 100% de capitaux d'Etat", a dit Emmanuel Macron sur TF1 (PA:TFFP) en réponse aux craintes d'une possible privatisation de la compagnie.
* OUVERTURE PROGRESSIVE À LA CONCURRENCE
Elle est possible à partir de décembre 2019 pour les régions qui le souhaitent et après avoir organisé des appels d'offres, avec la possibilité laissée aux régions de continuer d'attribuer des contrats à la SNCF jusqu'à fin 2023, pour une durée maximale de 10 ans. Tout contrat signé après décembre 2023 devra être mis en concurrence. L'ouverture sera étendue aux TGV à partir de décembre 2020. La transition sera progressive, jusqu’en décembre 2023.
L'Ile-de-France fait exception en raison de la complexité du réseau et du volume des trafics. L'ouverture à la concurrence s'y fera donc sur une période plus large, entre 2023 et 2039.
Le gouvernement s'appuie sur des exemples étrangers (Allemagne, Suède, Italie) pour affirmer qu'elle sera une source d'économies, "entre 20 et 25%, transformée en une augmentation de l'offre, c'est-à-dire du nombre de trains, de 20% environ", a déclaré pendant les débats la ministre des Transports, Elisabeth Borne. "Quant aux prix, ils ont baissé significativement alors même que la qualité de service s’en trouvait améliorée."
* DISPARITION DU STATUT DE CHEMINOTS POUR LES NOUVEAUX EMBAUCHÉS
Outre l'emploi à vie, les cheminots bénéficient d'une Sécurité sociale et d'une retraite plus avantageuses, ainsi que de la gratuité sur le train pour eux-mêmes et de tarifs préférentiels pour certains membres de leur famille.
Le projet de loi garantit le maintien de ces avantages (dont la rémunération nette perçue sur les 12 derniers mois) pour les cheminots, même s'ils changent d'opérateur au moment de l'ouverture à la concurrence, selon le principe du "sac à dos social".
Afin de sécuriser le transfert des cheminots vers un opérateur étranger, une disposition permet de garantir l’application de la convention collective de la branche pour les cheminots transférés.
En revanche, la loi met fin au statut pour les nouveaux embauchés, qui seront soumis aux conventions collectives et accords d'entreprise. En 2016, un quart des effectifs de la SNCF ont été embauchés au statut, tandis que près de 11% étaient des "contractuels " ou sous contrat privé. La SNCF emploie environ 146.000 cheminots.
* DETTE
Le projet de loi ne prend pas en compte l'énorme dette - 47 milliards d'euros pour la seule SNCF Réseau -, que l'Etat promet de reprendre partiellement à une échéance encore inconnue.
"A partir du 1er janvier 2020, l’Etat reprendra progressivement la dette", a dit Emmanuel Macron dimanche soir sur BFM TV, RMC et Mediapart.
(Elizabeth Pineau avec Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)