par Philip Pullella
CITE DU VATICAN (Reuters) - Le pape François rencontrera lundi, pour la première fois depuis son élection en mars 2013, des victimes d'agressions sexuelles au sein de l'Eglise catholique.
Le pape avait annoncé cette rencontre à la fin mai, de retour de son voyage au Proche-Orient.
Les six victimes - deux d'Irlande, deux de Grande-Bretagne et deux d'Allemagne - assisteront dans la matinée à une messe privée dans la résidence du pape au Vatican avant de s'entretenir avec le souverain pontife.
François a prôné la "tolérance zéro" à l'égard des membres de l'Eglise coupables d'actes de pédophilie et il a comparé les abus d'enfants par des prêtres à une "messe noire".
Mais il a aussi été critiqué par des associations de victimes pour avoir déclaré cette année dans une interview que l'Eglise catholique avait fait davantage que toute autre organisation pour exclure de ses rangs des pédophiles.
On ne sait pourquoi le pape a attendu près de seize mois depuis son élection pour rencontrer des victimes d'abus sexuels alors que son prédécesseur, Benoît XVI, avait organisé plusieurs rencontres lors de ses voyages à l'étranger.
"Nous savons que ce pape est capable de compassion et son refus de rencontrer jusqu'à présent des victimes d'abus sexuels n'était pas cohérent avec la pitié dont il a fait preuve à l'égard de tant de personnes marginalisées. C'est quelque chose qu'il devait corriger", a déclaré Anne Doyle, de Bishops Accountability, un centre de documentation américain consacré aux affaires de pédophilie au sein de l'Eglise.
DES ARGENTINS PROTESTENT
Des associations de victimes notent par ailleurs que le pape affiche un bilan mitigé dans la lutte contre la pédophilie lorsqu'il était archevêque de Buenos Aires et des victimes de nationalité argentine lui ont adressé une lettre en lui demandant pourquoi elles n'avaient pas été invitées au Vatican.
"Vous devez connaître ce qui s'est passé ici et les raisons pour lesquelles les victimes ont dû se battre pendant tant d'années, de même que les nouveaux cas qui font surface", peut-on lire dans cette missive signée de quatre victimes.
Pour Anne Doyle, le pape devra prendre "plusieurs mesures fortes" dans la foulée de cette réunion s'il veut montrer qu'il agit. "Il doit dire explicitement aux évêques que tous les responsables de l'Eglise doivent signaler les crimes ou crimes présumés aux autorités civiles", a-t-elle déclaré.
Le scandale des agressions sexuelles d'enfants hante l'Eglise catholique depuis plus de vingt ans. Il est devenu une question de société majeure aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années et a également fortement ébranlé les clergés d'Irlande, d'Allemagne, de Belgique ou encore des Pays-Bas.
Le Vatican estime à 3.420 le nombre d'accusations crédibles d'abus sexuels par des prêtres qui lui ont été transmises au cours des dix dernières années. Huit cent vingt-quatre prêtres ont été défroqués. L'Eglise des Etats-Unis a versé 2,5 milliards de dollars d'indemnités aux victimes.
Une commission qui conseille le pape sur ce dossier, et s'est réunie dimanche, devrait annoncer lundi qu'elle s'élargit afin de mieux représenter les pays en développement.
(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)