Dix jours seulement après sa sortie de prison, l'ancien trader Jérôme Kerviel a rendez-vous mercredi devant la cour d'appel de Versailles pour soutenir sa demande d'expertise indépendante des pertes que la Société Générale lui impute.
Après le procès de première instance de juin 2010, l'appel de juin 2012 et l'examen du pourvoi en cassation en février, la justice se penche sur son cas pour la quatrième fois.
La décision de la Cour de cassation qui a confirmé la condamnation pénale mais invalidé les dommages et intérêt a offert à Jérôme Kerviel un nouveau procès, civil uniquement celui-là.
Les dates de ce procès à Versailles ne sont pas encore connues. Elles seront fixées par la cour d'appel après l'examen, mercredi, de la demande d'expertise présentée par sa défense. Pour donner corps à la thèse qui prête à la banque un rôle actif et non passif, Jérôme Kerviel et sa défense veulent obtenir cette expertise indépendante qui leur a toujours été refusée jusqu'ici.
Ils contestent, en priorité, le montant de la perte tel que chiffré par la Société Générale, soit 4,9 milliards d'euros, les conditions dans lesquelles a été réalisée cette perte et le degré d'implication de la banque.
La Société Générale a toujours assuré qu'après avoir découvert une exposition de 50 milliards d'euros, attribuée à Jérôme Kerviel, elle avait confié à l'un de ses traders la mission d'en sortir le plus rapidement possible.
- 'La gnaque' -
Sur des marchés agités, ce trader, Maxime Kahn, avait mis trois jours pour s'exécuter, concluant sur une perte de 6,3 milliards d'euros, ramenée à 4,9 en déduisant le 1,4 milliard gagné par Jérôme Kerviel au terme de l'exercice précédent. Un scénario que conteste le "rogue trader" (trader voyou), comme le présentent inlassablement les médias anglo-saxons.
"Cette expertise est primordiale pour moi", avait déclaré l'ancien opérateur de marché lors d'une première audience technique à Versailles, le 10 juin. Selon lui, elle "démontrera que la banque n'a pas perdu d'argent. Il n'y a pas de perte".
Malgré ses 112 jours de détention à l'isolement entre le 19 mai et le 9 septembre, malgré près de sept années de procédure, Jérôme Kerviel semble plus affûté que jamais.
A Versailles, où il se présentera libre après avoir obtenu un aménagement de peine, il va tenter de convertir l'élan né de la décision de la Cour de cassation.
Un élan nourri par un nouveau soutien populaire ainsi que par l'appui de plusieurs personnalités issues d'univers très différents, de l'évêque de Gap, Mgr Jean-Michel di Falco, à l'ancien coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, en passant par le député UMP Georges Fenech.
Samedi, Jérôme Kerviel a fait une apparition remarquée à la fête de l'Humanité, à l'invitation de Jean-Luc Mélenchon qui, pour justifier son geste, a dressé un parallèle avec le capitaine Alfred Dreyfus, victime de l'une des plus célèbres erreurs judiciaires en France.
"Ce sont des gens comme Jean-Luc (Mélenchon) et Julien (Bayou, porte-parole d'EELV, également présent) qui m'ont donné la gnaque de continuer dans les moments d'abattement", a déclaré celui qui, près de sept ans après la révélation des faits, continue de se battre, convaincu que tout n'a pas été dit dans ce dossier.