par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron a accusé lundi le Front national d'être "le parti de l'anti-France", franchissant un nouvel échelon dans l'escalade de la bataille contre son adversaire du second tour de l'élection présidentielle, Marine le Pen.
Devant environ 10.000 personnes réunies à la porte de la Villette, auxquelles s'était notamment jointe la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, le candidat d'En Marche !, favori des sondages, en a appelé à "l'esprit de résistance" face à l'extrême droite, à six jours du scrutin.
"Ce sont eux, nos vrais ennemis, puissants, organisés, habiles, déterminés", a-t-il lancé. "Vous les croisez dans les rues, dans les campagnes ou sur la 'Toile', bien souvent masqués, aussi haineux que lâches."
"Le parti des agents du désastre, les instruments du pire, l'extrême droite française elle est là, avec leur parti Front national. Ils guettent depuis si longtemps l'effondrement que nous vivons pour en tirer profit", a-t-il poursuivi.
"Ils utilisent la colère, ils propagent le mensonge. Depuis des décennies ils attisent la haine, fomentent les divisions, imposent leur discours de discrimination."
Quelques heures plus tôt, Marine Le Pen avait vigoureusement attaqué celui qu'elle a qualifié de "winner autoproclamé", lors de son dernier grand meeting avant le second tour.
Emmanuel Macron l'a accusée d'incarner une "France grimaçante" et "recuite de haine", à laquelle il entend opposer la France de la "fraternité" et qui "parle à tous".
"Mme le Pen a parfaitement résumé la situation ce midi avec sa grossièreté bien connue", a-t-il déclaré. "Elle a dit 'c'est En Marche ! ou crève'. Elle a raison, En Marche ! c'est nous !"
VIOLENCE ET GUERRE CIVILE
Poursuivant sa charge contre le Front national, il a accusé la candidate de n'apporter en réponse aux colères du peuple que "le repli, la fermeture, la haine, la sortie de la France de l'Europe, du monde et de l'Histoire", un "aller sans retour".
Il a attaqué son projet économique - "Soit ils augmenteront vos impôts, soit ils augmenteront votre dette mais il y aura un cocu" - et prévenu que le nationalisme revendiqué par le FN mène "à la guerre économique, la misère et la guerre tout court".
"Le Front national, c'est le parti de l'anti-France car ce que défend ce parti (...), ce qu'il propose c'est l'effondrement inéluctable de ce qui a fait la France, c'est la négation de nos valeurs, de nos forces, de notre grandeur", a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron est allé encore plus loin dans la description des dangers représentés par le projet du FN.
"Le projet de l'extrême droite c'est aussi la lutte contre la liberté de la presse (...) contre le liberté des femmes (...) contre le droit des couples de même sexe", a-t-il dit. "C'est la violence extrême contre les opposants politiques."
Il a accusé Marine Le Pen d'être l'alliée objective des djihadistes qui s'en prennent à la France, "en désignant les Français de confession musulmane comme l'ennemi" : "Mme Le Pen et nos assaillants se nourrissent l'un l'autre parce que leur objectif final, c'est la guerre civile, la division du pays."
RASSURER SYNDICATS ET "MÉLENCHONISTES"
En ce 1er mai, il s'est en revanche efforcé de rassurer les syndicats, inquiets de ses projets de réforme du droit du travail, de l'assurance chômage et du système de retraite.
"Cette transformation du pays, je la mènerai en respectant la part de responsabilité, la part de représentation qui est celle des organisations syndicales et patronales", a-t-il dit. "Je les recevrai toutes et je concerterai avec toutes."
Il a par ailleurs dit avoir entendu la colère des Français qui ont voté pour Marine Le Pen ou, à la gauche de la gauche, pour le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
"Je veux aussi parler à ceux qui doutent, qui ne me connaissent pas, à qui on a pu mentir", a-t-il dit. "Il y a dans notre projet des réponses (...) Je serai aussi ce président de la reconnaissance (...) des sans-droits, des sans-grades, des oubliés (...) et qui leur redonnera des droits concrets."
Il a promis de prendre en compte les craintes exprimées vis-à-vis de la mondialisation ou du réchauffement climatique.
"Je veux que nous puissions, au sein de l'Europe (...) aller plus loin dans la régulation du capitalisme, dans les choix productifs qui sont faits", a dit l'ex-ministre de l'Economie.
Il s'est enfin engagé à donner au monde associatif une "juste place" dans la vie politique, notamment dans un conseil économique, social et environnemental réformé.
Il a en revanche opposé une fin de non recevoir à Jean-Luc Mélenchon, qui lui a demandé de renoncer à sa réforme du droit du travail : "Les Français se sont exprimés (au premier tour) et ont choisi le projet qui porte ces réformes. Je ne vais pas les trahir en me reniant. Ces réformes nous les avons conçues, nous les avons portées, nous les ferons."
Un peu plus tard, interrogé par TF1 (PA:TFFP), il a réaffirmé qu'il n'entendait pas aller "chercher" les électeurs de la France insoumise au prix d'un changement de son programme.
(Edité par Sophie Louet)