par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - Marion Maréchal a envoyé samedi un nouveau signe de sa volonté de peser dans le débat politique, sans faire encore le retour que guettent ses soutiens impatients, en réunissant à Paris des figures du conservatisme français, quitte à irriter son parti d'origine, le Rassemblement national.
Cette très médiatisée "convention de la droite", comme l'ont baptisée les organisateurs, permet à la nièce de Marine Le Pen de continuer à exister dans le coeur de ses sympathisants et de mettre en musique son grand dessein : réaliser l'union des droites en abattant la cloison entre Les Républicains et l'extrême droite.
Dans ce but, ont été conviés le polémiste Eric Zemmour, l'autre vedette du jour, un eurodéputé RN en la personne de Gilbert Collard, un député LR, Xavier Breton, le maire de Béziers, Robert Ménard, et une vingtaine d'autres intellectuels et hommes politiques habitués à naviguer dans les mêmes eaux.
"Je crois que le grand basculement politique auquel nous aspirons s'opérera précisément par ce type d'initiatives, par la multiplication des îlots de résistance au sein de la société civile", a déclaré Marion Maréchal, balayant la perspective d'"un homme providentiel" ou d'"une femme providentielle".
"J'entends les impatiences et les frustrations (...) mais qui peut sincèrement imaginer que nos idées arriveront au pouvoir sans avoir préalablement brisé les barrières partisanes d'hier?", a-t-elle poursuivi en appelant à "bâtir sur le roc" non "sur des coups médiatiques".
Marion Maréchal, qui n'a pas évoqué 2022, a invité à "rompre définitivement avec la droite des experts-comptables". "Ce ne sont pas seulement des ambitions de droite, ce sont des ambitions françaises", a-t-elle lancé.
WAUQUIEZ, RETAILLEAU OU MARÉCHAL
L'ex-benjamine de l'Assemblée nationale, qui a mis en 2017 sa carrière politique entre parenthèses, multiplie depuis quelques mois les sorties publiques - interviews, invitation à l'université d'été du Medef (finalement retirée par l'organisation patronale devant le tollé soulevé) et bientôt, le 6 octobre, une apparition dans le cortège contre l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA).
Autant d'interventions à la lisière de la métapolitique, à laquelle la petite-fille de Jean-Marie Le Pen promettait de se vouer il y a deux ans, et de la politique à proprement parler.
"Quand vous voulez revenir en politique, et je pense qu'elle a un jour le désir de revenir en politique, il faut que vous soyez présent", relève Jean-Yves Camus, directeur de l'Observatoire des radicalités politiques à la fondation Jean-Jaurès. "Sinon vous disparaissez des écrans radars."
De quoi alimenter les spéculations sur un retour que certains espèrent, y compris au-delà des frontières du RN.
En juin, celle qui s'est fait appeler Marion-Maréchal-Le Pen jusqu'à l'an dernier a réuni en toute discrétion des membres de LR, dont au moins un député et un sénateur, pour un dîner contraire à tous les usages en vigueur à droite depuis les années 1980 - la doctrine officielle est toujours celle du cordon sanitaire autour du parti lepéniste.
"Si on veut gagner en 2022, il faut trouver une personnalité capable d'additionner 60% de l'électorat LR et 60% de l'électorat RN", analyse un élu présent à ce dîner, qui tient à rester anonyme. "Ça pouvait être Laurent Wauquiez (ex-président de LR-NDLR), ça peut être Bruno Retailleau (président du groupe LR au Sénat) ou Marion Maréchal."
"PEUT-ÊTRE UN PEU JEUNE"
C'est ce sillon que creuse depuis bientôt dix ans l'ancienne étoile montante du Front national, celui d'une frange conservatrice, de tradition catholique, qui espère rassembler les droites plutôt que les "patriotes" de tous bords comme voudrait le faire Marine Le Pen.
La situation des Républicains, privés de chefs identifiés comme de ligne directrice et réduit à 8,48% aux élections européennes de la fin mai ouvre des perspectives aux tenants de cette théorie de "l'union des droites", selon Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS et à l'Université de Nice.
"Sans doute le retour de Marion Maréchal traduit-il cette prise de conscience", dit-il. "Je pense qu'elle sait aujourd'hui qu'il y a une possibilité de profiter de l'affaiblissement des Républicains pour tenter cette alliance des droites."
Et, ajoute-t-il, "c'est le modèle qui a marché pour Matteo Salvini en Italie", où la Ligue (extrême droite) s'est alliée à la droite berlusconienne puis a fini par l'étouffer.
Cette stratégie a des partisans à l'intérieur du RN mais elle suscite aussi bien des réserves, à commencer par celles de Marine Le Pen qui a redit le fond de sa pensée lors de sa rentrée politique, à Fréjus (Var), mi-septembre.
Le courant "catholique conservateur" a fait la démonstration de ses limites aux européennes en subissant "incontestablement" un revers électoral, a-t-elle observé devant des journalistes, en référence aux 8% et des poussières enregistrés par François-Xavier Bellamy sous les couleurs de LR.
"Si vous unissez les droites, ça ne suffira pas", juge le sénateur Stéphane Ravier, qui invoque un déplacement à Gênes, en Italie, pour justifier son absence à la "convention". "Il faut unir tous les gens de bonne volonté, ça peut passer par des gens de droite mais pas que, ça ne peut pas suffire."
De fait, à l'exception de Gilbert Collard, aucun haut cadre du RN ne figurait sur la photo à la Palmeraie, lieu de la convention.
Quant à l'idée d'une candidature rivale en 2022, Marine Le Pen, qui dit avoir vu sa nièce à plusieurs reprises cet été, se charge elle-même de la dégonfler.
"Elle est peut-être un peu jeune, là, pour être candidate à la présidentielle encore", balaie-t-elle.
(Edité par Sophie Louet)