PARIS (Reuters) - Le ministère public a requis mardi soir six mois de prison avec sursis à l'encontre de la fille du roi Salman d'Arabie saoudite, accusée de complicité dans des violences présumées infligées par un assistant-garde du corps à un artisan peintre, qui effectuait des travaux dans une résidence de son père à Paris.
Huit mois de prison avec sursis ont été requis contre ce garde du corps, Rani S., 47 ans, gérant de sociétés de gardiennage et de protection rapprochée, qui travaillait régulièrement pour la famille royale saoudienne mais est aujourd'hui pratiquement au chômage.
La procureure a en outre requis pour chacun des deux prévenus une amende de 5.000 euros.
Ni la princesse Hussa Bint Salman, 42 ans, qui a quitté la France après une brève garde à vue en septembre 2016 et est visée par un mandat d'arrêt international, ni le plaignant, Ashraf Eid, artisan d'origine égyptienne, n'étaient présents à l'audience.
L'avocat de Hussa Bint Salman, Emmanuel Moyne, a demandé la relaxe de sa cliente et lâché une petite bombe en révélant dans sa plaidoirie qu'Ashraf Eid avait essayé de monnayer fin juin, avec un conseiller de la princesse, le retrait de sa plainte.
Selon une attestation sur l'honneur de ce conseiller citée par l'avocat, il aurait d'abord demandé 500.000 euros "pour en terminer avec ce dossier", avant de réduire ses ambitions à 250.000 euros, lors d'une rencontre dans un palace parisien.
Que s'est-il vraiment passé ce 26 septembre 2016 au 81 avenue Foch, dans le XVIe arrondissement de la capitale, entre la soeur du prince héritier saoudien, l'artisan et Rani S. ?
Hussa Bint Salman avait fait venir Ashraf Eid à l'étage qu'elle occupait pour remplacer une vasque dans une salle de bain proche de sa chambre.
A partir de là, la version de l'artisan et de l'accusation d'une part, celle de Rani S. et des avocats de la princesse d'autre part, divergent radicalement, comme l'a encore confirmé l'audience de mardi.
JUGEMENT LE 12 SEPTEMBRE
Ashraf Eid dit avoir été molesté, ligoté, séquestré plusieurs heures et menacé d'un pistolet par Rani S., après avoir été accusé par la princesse de l'avoir photographiée et filmée à son insu dans sa chambre avec son téléphone portable.
Rani S., qui a déjà fait plus de deux mois de détention provisoire, a de nouveau catégoriquement démenti à la barre les faits qui lui sont reprochés.
Il a expliqué qu'il avait seulement "maîtrisé" l'artisan et l'avait éloigné de la princesse, qui tentait de s'emparer de son téléphone, pour l'emmener dans un bureau voisin. "Parce que je ne connaissais pas ses intentions", a-t-il fait valoir.
Le ministère public a néanmoins estimé que cet ancien champion du monde de boxe thaïlandaise, d'origine libanaise, s'était rendu coupable de violences et de séquestration.
Il a estimé que la princesse s'était pour sa part rendue coupable de complicité de violences et de séquestration "par provocation, abus de pouvoir ou d'autorité".
La procureure a enfin estimé que les deux prévenus s'étaient rendus coupables de vol en prenant à l'artisan son téléphone portable, qui sera détruit à coups de marteau avec sa carte sim.
Ce qui a au demeurant rendu impossible la vérification de l'existence de deux brefs enregistrements vidéo de Hussa Bint Salman, que Rani S. assure avoir vus.
La destruction de cet appareil a été une "grave erreur", a-t-il admis. "C'est la preuve qui nous manque. Cela nous prive de montrer que ce monsieur a pris des vidéos intentionnellement."
A l'instar de l'avocat de la princesse, celui de Rani S., Yassine Bouzrou, a également demandé la relaxe de son client.
"Je veux avoir une vraie justice, pas de calomnie, qu'on me rende mon honneur et qu'on me laisse travailler de nouveau", a pour sa part déclaré Rani S.
Le jugement a été mis en délibéré au 12 septembre.
(Emmanuel Jarry, édité par Simon Carraud)