PARIS (Reuters) - François de Rugy, fragilisé par des révélations sur son train de vie de président de l'Assemblée nationale puis de ministre d'Etat, a sauvé son poste jeudi mais il devra rendre des comptes, comme le lui a intimé Edouard Philippe lors d'un entretien convoqué en urgence à Matignon.
Mis dans l'embarras par des photographies de dîners fastueux et des informations sur des travaux réalisés dans son logement de fonction, le numéro deux du gouvernement a dû bousculer son agenda pour venir s'expliquer devant le Premier ministre.
Les deux hommes "sont convenus ensemble de la nécessité de répondre à toutes les questions que se posent légitimement les Français", précise Matignon dans un message transmis à Reuters.
Le successeur de Nicolas Hulot à la Transition écologique s'est engagé à soumettre ses frais de réception aux autorités de contrôle de l'Assemblée nationale, qu'il a présidée en 2017-2018, et à rembourser si nécessaire "chaque euro contesté".
François de Rugy sera "invité à s'expliquer dans le cadre de cette démarche dans les prochains jours", précise la présidence de l'Assemblée nationale, où le ministre a cédé son fauteuil à Richard Ferrand l'an dernier.
Edouard Philippe a par ailleurs demandé au secrétariat général du gouvernement de diligenter dès vendredi une "inspection" concernant les travaux effectués dans l'appartement privé du ministre de la Transition écologique.
L'exécutif espère ainsi circonscrire l'incendie qui s'est déclaré mercredi avec la publication d'un premier article de Mediapart.
Le site d'investigation a décrit la "vie de château" qu'aurait menée François de Rugy, hôte d'une dizaine de dîners organisés avec les moyens mis à sa disposition à l'hôtel de Lassay, sa résidence de fonction du temps où il était président de l'Assemblée nationale.
Selon le site d'investigation, les convives de ces "agapes", durant lesquelles le personnel du Parlement était mis à contribution, étaient "essentiellement des amis" de celui qui était alors le quatrième personnage de l'Etat et de son épouse.
MOINS SÛR DE SON FAIT
Qualifiant de "grotesque" cette mise en cause, l'ex-député et militant écologiste s'est défendu mercredi de tout mélange des genres en affirmant qu'il s'agissait de "dîners de travail informels" lui permettant d'entretenir le lien avec des représentants de la société civile.
Moins sûr de son fait, il a adopté jeudi un nouveau ton.
"Je suis évidemment très attentif à ce que toutes les explications soient données", a-t-il dit à des journalistes lors d'un déplacement dans les Deux-Sèvres, qu'il a dû écourter pour se rendre à Paris toutes affaires cessantes.
Jusque-là, François de Rugy avait reçu un soutien pour le moins prudent de la part des responsables de la majorité.
Pour le délégué général de La République en marche (LaRem), Stanislas Guerini, il revient à la déontologue de l'Assemblée nationale de se prononcer sur les faits rapportés par Mediapart.
"On voit des images de homards, etc. , je comprends que ça puisse questionner", a déclaré le numéro un du parti présidentiel sur France 2, tout en jugeant "légitime" pour un président de l'Assemblée de recevoir des personnalités.
"Dès lors qu'il y a une polémique, et on voit bien qu'il y a une polémique, je crois qu'il faut de la transparence et la bonne manière de faire, c'est avec la déontologue de l'Assemblée nationale", a encore dit le député de Paris.
"TRAVAUX DE CONFORT"
Invité de BFM TV, l'ancien porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux n'a pas accablé François de Rugy, sans lui offrir non plus un soutien franc et massif. "Je ne suis pas là pour être le censeur, le procureur, l'avocat ou le juge", a-t-il dit, jugeant par ailleurs "choquant" le prix des bouteilles de vin citées dans l'article de Mediapart.
Le site a publié d'autres informations mercredi soir, cette fois à propos d'un logement social occupé, à Paris, par la directrice de cabinet de François de Rugy, Nicole Klein. Cette dernière a quitté ses fonctions dans la foulée, selon elle "à la demande du ministre".
Dans un nouvel article paru jeudi, Mediapart fait état de "travaux de confort" d'un montant total de plus de 63.000 euros, aux frais du contribuable, réalisés dans les appartements privés du ministère de la Transition écologique.
La rénovation se justifiait par la vétusté des lieux, s'est défendu par avance François de Rugy dans un message publié dans la nuit sur Facebook (NASDAQ:FB). "Si le montant des différents travaux réalisés est important, il est lié au caractère très particulier des lieux où ils ont été effectués : l’Hôtel de Roquelaure (...) est un élément du patrimoine français, construit au début du XVIIIe siècle", est-il écrit.
(Simon Carraud, avec Michel Rose et Marine Pennetier à Paris, Claude Canellas à Bordeaux, édité par Yves Clarisse et Myriam Rivet)