BORDEAUX (Reuters) - François Fillon s'est dit "scandalisé" mercredi par les révélations du Canard enchaîné sur des emplois présumés fictifs de son épouse, dénonçant une attaque "misogyne" mais n'expliquant rien du fond de cette polémique surgie à trois mois du premier tour de l'élection présidentielle.
Selon l'édition de mercredi de l'hebdomadaire satirique, Penelope Fillon, qui a toujours revendiqué distance et discrétion dans la carrière politique de son mari, a été rémunérée huit ans comme attachée parlementaire par François Fillon puis son suppléant à l'Assemblée nationale, et pendant 20 mois par "La Revue des deux mondes".
Le Canard enchaîné dit cependant n'avoir guère trouvé trace de ses activités.
"Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte. (...) Je suis scandalisé par le mépris et la misogynie de cet article", a dit à la presse François Fillon en marge d'un déplacement à Bordeaux où il devait afficher sa réconciliation avec Alain Juppé, son adversaire malheureux du second tour de la primaire de la droite et du centre.
"Alors parce que c'est mon épouse, elle n'aurait pas le droit de travailler? Imaginez un instant qu'un homme politique dise d'une femme, comme le fait cet article, qu'elle ne sait faire que des confitures, toutes les féministes hurleraient", a-t-il ajouté.
L'équipe du candidat s'est mobilisée depuis mardi soir pour opposer aux interrogations et critiques des explications parfois maladroites sur le rôle de l'épouse de François Fillon, qui a fait de l'intégrité l'un des maîtres-mots de sa campagne.
"SALIR"
"On ne peut pas dire qu'on est le candidat de l'honnêteté et de la transparence et ne pas être en capacité de répondre à ces sujets", a déclaré sur France Inter l'ex-Premier ministre socialiste Manuel Valls, candidat à l'investiture de gauche. Sur RTL, le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux a lui aussi sommé François Fillon de s'expliquer.
Le coordinateur de campagne du candidat, Bruno Retailleau, et son porte-parole Thierry Solère ont dénoncé une tentative de "salir" et d'"abîmer" le favori de la présidentielle dans les sondages. Ils ont défendu "un homme honnête" et "droit".
"Mme Penelope Fillon a travaillé avec son mari quand il était parlementaire? Oui, comme beaucoup beaucoup de femmes et d'hommes qui travaillent avec leur conjoint en tant que parlementaire", a plaidé Thierry Solère sur RFI.
"Elle est élue dans la Sarthe et ça fait des années et des années, elle qui est diplômée en droit notamment, qu'elle accompagne François Fillon dans sa carrière politique", a-t-il ajouté, assurant que ses emplois n'étaient en rien fictifs.
Penelope Fillon, née en 1956 au Pays de Galles, a pris la relève de son époux en mars 2014 au conseil municipal de Solesmes (Sarthe), fief électoral de François Fillon où la famille possède un manoir. Elle se présente pour son premier mandat électif comme "femme au foyer".
Elle s'est discrètement impliquée dans la campagne pour la primaire en tant que marraine du mouvement "Les femmes avec Fillon", qui défend les mesures du candidat en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
UNE PRATIQUE LÉGALE MAIS CONTESTÉE
En octobre dernier, elle déclarait dans Le Bien public, en marge d'un déplacement en Côte-d'Or : "Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari".
"Elle est compétente, elle est diplômée de droit, de Lettres, elle est élue sarthoise", a défendu Bruno Retailleau sur LCI, regrettant que "le prisme parisien" ne prenne pas en compte son engagement "au coeur du territoire sarthois".
"J'ai trois assistants parlementaires : une assistante parlementaire à Paris, deux assistants parlementaires en province. Effectivement, mes collègues parlementaires qui viennent rarement dans ma circonscription, ne connaissent pas mes assistants parlementaires de province. Ça fonctionne comme ça", a précisé le député LR de la Marne Benoist Apparu, autre porte-parole de François Fillon, sur RTL.
Le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux et Benoît Hamon, favori pour le second tour de la primaire à gauche, ont souhaité que l'emploi de parents comme attachés parlementaires, pratique légale en France, soit dorénavant interdite.
La présidente du Front national Marine Le Pen, visée par une enquête sur l'emploi présumé abusif de deux assistants au Parlement européen, alors qu'ils auraient essentiellement travaillé comme permanents pour le FN, a refusé pour sa part d'entrer "dans cette politique des boules puantes."
"Je ne suis absolument pas embarrassée, je suis victime d'une injustice absolument totale", a-t-elle dit sur Europe 1.
(Sophie Louet avec Dominique Vidalon et Claude Canellas à Bordeaux, édité par Yves Clarisse)