par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - La France accueillera dans 100 jours le match d'ouverture d'un Euro de football sous haute sécurité, dans le contexte toujours sensible de l'après-13 novembre 2015.
Pour les organisateurs et le gouvernement, le défi consiste à garantir la sécurité des 2,5 millions de spectateurs attendus, de dix stades situés dans dix villes différentes, de 51 matches et de 24 sélections nationales itinérantes.
Ils assurent que le dispositif est prévu pour parer à toute éventualité mais "la problématique sécuritaire va peser comme une épée de Damoclès", reconnaît Jacques Lambert, président d'Euro 2016 SAS, la société organisatrice.
"C'est un sujet de préoccupation qui demeurera jusqu'au 10 juillet aux alentours de minuit", souligne-t-il dans un entretien au Figaro de mercredi.
Toutefois, dit-il, l'hypothèse d'un attentat ne l'empêchera pas de dormir.
Jusque-là diffuse, la menace a changé de nature en 2015, et plus encore le 13 novembre, lorsque trois assaillants ont actionné leur ceinture d'explosifs aux abords du stade de France, en plein match des Bleus.
Ce même stade, d'une capacité de 80.000 personnes, doit accueillir le match d'ouverture le 10 juin, la finale le 10 juillet, et cinq autres rencontres.
"On voit arriver cet événement avec pas mal d'anxiété, à la fois à cause du risque terroriste et en raison de la fatigue de nos collègues, qui sont déjà très sollicités", selon Nicolas Comte, du syndicat Unité Police.
Pour faire face, le ministère de l'Intérieur compte déployer dans les villes hôtes des compagnies de CRS et des escadrons de gendarmerie - une quinzaine au total pour la seule Ile-de-France, dit-on de source policière.
"LE RISQUE N'EST PAS NOUVEAU"
La société Euro 2016 SAS, à qui revient la responsabilité de la sécurité dans les stades, prévoit quant à elle 900 agents de sécurité privée en moyenne par match, un chiffre qui pourra grimper à environ 1.200 pour le stade de France.
Il faut y ajouter 200 volontaires chargés d'orienter les spectateurs, et autour de 80 secouristes, soit plus d'un millier d'agents en moyenne dans chaque stade les jours de match - environ 30% de plus que pour une rencontre ordinaire.
"La France a les moyens de faire face, c'est une question de répartition et de coordination optimale des moyens", assure le préfet Nicolas Desforges, délégué interministériel aux grands événements sportifs.
Pour arriver à leur siège, les spectateurs devront en théorie franchir trois étapes, soit une de plus que pour les matches habituels de l'équipe de France : à l'extérieur, où ils seront fouillés, à l'entrée, puis dans le stade.
Les tueries de 2015 ont incité les organisateurs à revoir certaines procédures. Ils ont par exemple décidé de soumettre également les spectateurs "VIP" aux fouilles.
"A la suite des attentats de janvier et de novembre, nous n'avons pas remis en cause notre schéma de sécurité. Nous avons simplement renforcé certaines mesures", relève Ziad Khoury, directeur de la sécurité d'Euro 2016 SAS.
"Le dispositif était déjà dimensionné. Le risque n'est pas nouveau. On était déjà à un niveau de sécurité élevé", ajoute-t-il, tout en précisant que le tournoi ne fait l'objet d'aucune menace particulière.
MAINTIEN DES 'FAN ZONES'
Le risque de nouvelles attaques sanglantes a tout de même conduit à une hausse des budgets consacrés à la sécurité depuis le mois de novembre. Celui d'Euro 2016 SAS a augmenté d'environ 15%, à 34 millions d'euros, d'après Jacques Lambert.
Les enceintes ne sont pas l'unique sujet d'inquiétude pour les organisateurs: il faudra aussi assurer la sécurité des "fan zones", des lieux clos installés dans les espaces publics des villes hôtes où sont censés se retrouver les amateurs.
Les parties prenantes ont décidé, lors d'un comité de pilotage exceptionnel réuni onze jours après les attentats de novembre, de maintenir ce principe, notamment pour éviter un éparpillement de supporteurs dans les villes.
Les "fan zones" devraient attirer 7 à 8 millions de personnes durant le mois de compétition, selon un chiffre donné mercredi par le ministre des Sports Patrick Kanner. Autant d'amateurs qui devront se soumettre à des palpations de sécurité, en vertu d'une circulaire envoyée fin février par le ministère de l'Intérieur aux préfets.
Mais "les 'fan zones' ne sont pas une bonne idée", selon Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du syndicat policier SCSI.
"On peut facilement surveiller un stade. Les 'fan zones' sont certes des lieux clos, mais en milieu ouvert. Elles représentent une charge supplémentaire et leur surveillance se fera forcément au détriment d'autres missions", poursuit-il.
Et à la menace d'attentats s'ajoutent les risquent habituels liés à l'organisation de ce genre d'événements sportifs, comme la présence en grand nombre de supporteurs parfois remuants venus de toute l'Europe.
Si aucun incident ne vient gripper le déroulement de la compétition, la France pourra la présenter comme un modèle en vue des Jeux olympiques de 2024, pour lesquelles la ville de Paris est candidate.
"Le succès de l'Euro 2016 sera de bon augure pour la candidature de Paris 2024", anticipe Nicolas Desforges.
(Edité par Yves Clarisse)