PARIS (Reuters) - A deux semaines du premier tour de la primaire de la gauche, Manuel Valls s'est efforcé dimanche de capitaliser sur son avance dans les sondages en se posant comme le meilleur rempart contre un nouveau "21-avril" et en renvoyant dos à dos François Fillon et Marine Le Pen.
En ce jour de commémoration de la mort de François Mitterrand, disparu il y a 21 ans, l'ex-Premier ministre a lancé lors d'une réunion publique à Liévin, dans une salle au nom de l'ancien président socialiste : "Je ne veux pas que la France revive, que nous revivions 2002!"
Pour son premier meeting de rentrée, Manuel Valls avait choisi le creuset du "monde minier et ouvrier", le Pas-de-Calais, terres désormais largement acquises au Front national, pour dénoncer une "droite ultra-libérale qui veut détruire nos protections" et "une extrême droite qui se dit le défenseur des petites gens mais serait l’orchestrateur de leur ruine".
"Je ne veux pas que les Français (...) se retrouvent à choisir en mai entre François Fillon et Marine Le Pen. (...) Rendons-nous compte de ce scénario catastrophe!", a-t-il dit.
Manuel Valls, qui s'emploie à "gauchiser" son discours au nom du rassemblement après avoir ferraillé contre l'aile gauche du Parti socialiste durant le quinquennat, s'est inscrit dans l'héritage de "François Mitterrand, Pierre Mauroy, Michel Rocard, Lionel Jospin, la gauche qui assume les responsabilités malgré les difficultés, fait changer les choses."
"Voulons-nous retourner pour longtemps, durablement, dans l’opposition, avec nos divisions, notre rancoeur, nos procès en trahison"?", s'est-il interrogé.
"ON A BEAUCOUP SOUFFERT DU 49-3"
Comme en écho, Bernard Cazeneuve a salué dimanche en François Mitterrand "un symbole, un précurseur qui aujourd'hui encore montre le chemin", rappelant à l'intention d'Emmanuel Macron, qui s'est affranchi de la primaire de la gauche, sa détestation du "ni droite ni gauche qu’il considérait comme un ailleurs improbable, à moins qu’il ne fut la manifestation d’un opportunisme cynique ou d’une confondante immaturité politique".
Le Premier ministre devrait afficher lundi son soutien à Manuel Valls à l'occasion d'une visite au siège d'Arianespace dans son fief d'Evry (Essonne); Ségolène Royal a pour sa part plus que marqué ses distances avec le candidat.
La ministre de l'Environnement, qui ne cache pas sa sympathie pour Emmanuel Macron, a dénoncé dimanche le revirement "difficilement compréhensible" de Manuel Valls sur l'usage de l'article 49-3 de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte au Parlement sans vote.
Le candidat souhaite désormais limiter son recours aux seuls textes budgétaires et a affirmé jeudi soir sur France 2 que son utilisation - par six fois alors qu'il était à Matignon - lui avait été "imposée" par les frondeurs socialistes.
Ce revirement "n'a pas été compris de l'opinion. (...) J'espère que c'est sincère s'il le dit", a commenté Ségolène Royal au "Grand Rendez-vous" Europe 1-iTELE-Les Echos.
"On a beaucoup souffert du 49-3. Même en tant que membres du gouvernement, on a beaucoup souffert. Tout le travail positif qu'on faisait à côté était étouffé par les manifestations, par les protestations", a-t-elle lâché.
Vincent Peillon, l'un des concurrents de Manuel Valls, lui a reproché sur Radio J "une forme de gouvernance brutale" et a dit trouver "ridicule de changer d'avis tout le temps, contre le 49-3, pour le 49-3".
"UTILE AU RASSEMBLEMENT"
Selon un sondage Ifop pour Le Journal du Dimanche, l'avance de Manuel Valls sur ses concurrents se réduit, notamment sur Arnaud Montebourg qui le battrait dans l'hypothèse d'un duel au second tour.
Les sympathisants de gauche sont 36% (-9 par rapport à décembre) à souhaiter l'investiture de Manuel Valls, contre 24% (-1) celle d'Arnaud Montebourg et 21% (+7) celle de Benoît Hamon. La primaire se déroule les 22 et 29 janvier prochains. Le premier des quatre débats est prévu jeudi soir.
"Il s'agira de voir si cette primaire est utile au rassemblement de la gauche ou si elle ne change rien à ce qui est le paysage éclaté de la gauche", a déclaré Benoît Hamon dimanche dans "Questions politiques" sur franceinfo-France Inter-Le Monde.
"Si on passe le cap des deux millions, on se donne l'assise à partir de laquelle le vainqueur ou la 'vainqueure' aura de la force politique", a-t-il ajouté, espérant une participation supérieure à deux millions. Le PS table sur 1,5 à 2 millions de participants.
Arnaud Montebourg a présenté samedi ses voeux aux Français, dans son fief de Saône-et-Loire, en se revendiquant de la "France du travail" et "des territoires", critiquant en creux Benoît Hamon et sa proposition de revenu universel.
"Plutôt que de compter des sous, de gérer l'austérité, la pauvreté et la pénurie, nous créerons de la richesse", a-t-il lancé samedi.
Dimanche, sur BFM TV, il a demandé au gouvernement de procéder à la nationalisation - temporaire - des chantiers navals STX "de manière à construire l'alliance en force avec nos amis italiens de Fincantieri".
(Sophie Louet)