par Elizabeth Pineau et Michel Rose
PARIS (Reuters) - Cédric Villani s'est officiellement lancé mercredi dans la course à la mairie de Paris, enfonçant une épine dans le pied de Benjamin Griveaux, le candidat investi par La République en marche pour ravir l'hôtel de ville à la socialiste Anne Hidalgo.
Prétendant malheureux à l'investiture de LaRem en juillet, fort d'un profil original et d'une notoriété montante auprès des Parisiens, le brillant mathématicien, élu de l'Essonne, se lance en dissidence, repoussant de fait la main tendue de Benjamin Griveaux qui lui proposait de co-diriger sa campagne.
"J'ai la conviction qu'ensemble nous pouvons faire autrement et mettre les Parisiens en mouvement pour retrouver notre dynamisme et notre fierté", a-t-il déclaré devant la presse conviée dans un café du quartier du Montparnasse, où il habite, en ce jour anniversaire de la proclamation de la République en 1870.
"C'est pourquoi je vous annonce ce 4 septembre que j'ai décidé d'être candidat à la prochaine élection du maire de Paris", a-t-il ajouté, promettant d'être le "premier maire véritablement écologiste" de la capitale.
"Affronter les problèmes complexes, cela a été toute ma vie, avant la politique", a aussi déclaré le chercheur entré en politique il y a deux ans et demi dans les pas d'Emmanuel Macron, qui fit lui-même en son temps voeu d'indépendance pour briguer l'Elysée.
"Villani Paris", ont scandé des partisans autour de lui.
L'homme au CV prestigieux - ancien directeur de l'institut Raymond Poincaré, lauréat de la médaille Fields en 2010 - au style original - lavallière et broche en forme d'araignée sur l'épaule - intrigue autant qu'il séduit.
Pour Stéphane Rozès, président du cabinet de conseil Cap, la force de Cédric Vallini est qu'il "n'utilise pas la politique pour réussir, il a déjà réussi. Il se met en mouvement". Le mathématicien "est plus macroniste que Benjamin Griveaux dans sa démarche même, sa manière d'être, sa façon de faire".
"Il a une stratégie simple qui renoue avec le 'macronisme' en se présentant comme quelqu'un qui bouscule l'establishment et représente un certain esprit rebelle de Paris. Il joue la carte de la liberté, d'un profil non partisan doté d'un parcours exceptionnel", abonde Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'institut de sondages Ifop.
PAS DE "BARRIÈRES" POUR VILLANI
L'ambitieux mathématicien a pris goût à la politique au point d'en faire un livre sorti en début d'année - "Immersion. De la science au Parlement" - et de mettre entre parenthèses sa carrière de chercheur.
"Dans la vie, il faut voir les choses en grand, avec de l'ambition. Ne jamais être dans la prétention mais ne jamais se limiter", déclarait-il à Reuters en février.
Longtemps considéré comme le favori, Benjamin Griveaux a quant à lui du mal à se défaire d'une image de "candidat du système" doublée d'une réputation abrasive, illustrée par des propos peu amènes tenus en privé contre des rivaux de LaRem, traités d'"abrutis".
Cette semaine, l'ancien porte-parole du gouvernement s'est prononcé contre l'exclusion de Cédric Villani du parti, comme de nombreux ténors de la majorité, dans l'espoir qu'un nécessaire "rassemblement" l'emportera au final.
"Nous regrettons" ce choix, écrit LaRem dans un communiqué publié juste après l'annonce du candidat.
"Je le dis clairement il n'y a qu'un seul candidat LaRem pour les municipales à Paris. Il s'appelle Benjamin Griveaux", écrit le délégué général, Stanislas Guerini. "Je dis à Cédric Villani que je reste convaincu que sa place est à LaRem."
La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, s'est déclarée sur BFM TV "déçue" par ce choix, "à titre personnel".
"LA DIVISION C'EST L'ÉCHEC"
De son côté Cédric Villani s'est gardé de toute critique à l'égard d'Emmanuel Macron ou de la politique menée par l'exécutif, qu'il continue à soutenir même si nombre de ses soutiens sont à puiser chez les déçus de la "macronie".
On y trouve le député Matthieu Orphelin, un proche de Nicolas Hulot qui a quitté le parti présidentiel en février, la députée Anne-Christine Lang, élue du 13e arrondissement, un ancien porte-parole de LaRem, Rayan Nezzar, et Paula Forteza, élue LaRem des Français de l'étranger.
Face à lui, Benjamin Griveaux peut compter sur l'appui du président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, de Stanislas Guerini, de son ancien collègue Mounir Mahjoubi - ex-soutien de Cédric Villani - et de ministres comme Marlène Schiappa et Agnès Buzyn.
"Cédric est mathématicien, mais il faudrait qu'il soit bon calculateur. La division, c'est l'échec. Le rassemblement, c'est la victoire", jugeait Richard Ferrand, un proche du chef de l'Etat, la semaine dernière sur Europe 1.
En attendant l'entrée en campagne d'Anne Hidalgo, prévue à la fin de l'année, et les premiers sondages qui pourraient changer la donne, le parti présidentiel voit ravivé le spectre d'une défaite aux municipales dans une ville symbole où il a fait de bons scores en 2017, raflant encore un tiers des suffrages aux élections européennes de mai dernier.
Un scénario qui ne peut que réjouir les socialistes.
"Tout cela manque de clarté mais je peux pas dire que ça nous chagrine", dit à Reuters le premier adjoint à la mairie, Emmanuel Grégoire.
"Le processus était complètement bidon et à force de faire ce genre de truc, ça se retourne contre soi", a ajouté l'élu socialiste. "Emmanuel Macron est une inspiration un peu baroque, il donne une envie démesurée à beaucoup de gens. Mais n'est pas Emmanuel Macron qui veut."
(Edité par Yves Clarisse)