L’action Altice (AS:ATCA) n’en finit plus de chuter depuis la publication par le géant des télécoms et des médias de résultats trimestriels décevants. Sur le marché obligataire aussi, la défiance des investisseurs monte d’un cran.
Jeudi dernier, la holding fondée et présidée par le milliardaire Patrick Drahi, propriétaire notamment des opérateurs Numericable-SFR et Portugal Telecom (LS:PHRA) ainsi que des médias BFM, L’Express et Libération, a fait état de résultats trimestriels marqués par une baisse de ses revenus, sous le coup entre autres d'un recul de ses ventes sur son marché domestique.
Principale filiale du groupe, SFR (PA:SFRGR) a ainsi vu ses revenus baisser de 1,3% au troisième trimestre à 2,76 milliards d’euros, et perdre dans un contexte de bataille promotionnelle avec ses rivaux (Free, Bouygues (PA:BOUY) Telecom et Orange), pas moins de 75.000 clients dans le fixe.
Le chiffre d’affaires global de la holding a lui reculé de 1,8% à 5,75 milliards d'euros, en raison également d'un taux de change négatif sur le marché américain. On notera que le recul des ventes concerne pour ainsi dire l’entièreté des pays où l’opérateur est actif, à l'exception d'Israël où il profite de la hausse de son nombre d'abonnés fixes.
Si l'excédent brut d'exploitation s’affiche en progression de 1,8% sur le trimestre à 2,36 milliards d'euros, Altice s'est montré prudent sur ses objectifs annuels, avec une croissance de son Ebitda attendue désormais dans le bas de la fourchette comprise entre 5 et 10%.
Plongeon boursier
En bourse, la sanction des investisseurs a été immédiate. L’action Altice s'est effondrée de 22% à 12,5 euros vendredi dernier, effaçant au passage près de 5 milliards d'euros de capitalisation boursière.
Hier encore, le titre a perdu plus de 9% et a même été brièvement suspendu en cours de séance à la bourse d'Amsterdam, alors qu’il chutait de 15%. L'augmentation de positions de ventes à découvert de fonds spéculatifs contribuerait notamment à la volatilité du titre.
Il va sans dire que les investisseurs s‘interrogent sur la capacité du géant du câble, des télécoms et des médias à regagner des parts de marché en France et remettre SFR sur les rails. Depuis sa prise de contrôle par Altice il y a trois ans, SFR a été relégué à la troisième place dans le fixe derrière Free, a perdu plus de 1,6 million de clients mobile et plus d‘un demi-million d‘abonnés fixes.
Patrick Drahi reprend les rênes du groupe
Une semaine après l'annonce de ces résultats trimestriels décevants et la débâcle de l'action, le directeur général d'Altice, Michel Combes, quitte ses fonctions au sein du groupe.
"Altice annonce la réorganisation de la direction et la gouvernance du groupe en liaison avec la démission aujourd'hui de Michel Combes, directeur général d'Altice, directeur d'Altice USA et PDG de SFR Group", a commenté le groupe.
Patrick Drahi va reprendre les rênes de la société et "établira les priorités stratégiques, opérationnelles, commerciales et technologiques du groupe ainsi que leur exécution, en particulier à SFR", a précisé Altice.
Ce retour aux bases vise à "mieux mettre en oeuvre la stratégie d'Altice, à mettre en place un système de responsabilités plus clair et à améliorer les performances opérationnelles et financières", indique encore le groupe.
Hausse des rendements obligataires
Sur le marché obligataire aussi, la tension commence à monter. A titre d'exemple, l’emprunt Altice Finco (4,75% - 2028) émis il y a un mois vient de perdre quatre points à 98% du nominal.
En conséquence, le rendement annuel de cette obligation, nécessitant une mise de fonds de 100.000 euros, atteint les 5%. De type senior non-sécurisé, l'émission est notée « B- » par Standard & Poor’s, dans la catégorie des investissements jugés spéculatifs par l’agence de notation.
L'obligation Altice Luxembourg (6,25% - 2025) s'échange pour sa part à 101,64%, portant le rendement annuel à 5,97%. Disponible par coupures de 100.000 euros, l'emprunt dispose cette fois d'un rating « B » chez Standard & Poor's.
Faut-il rappeler que la holding a financé ses nombreuses acquisitions par de la dette, dette qui dépasse aujourd’hui 50 milliards d’euros et qui fait d’Altice l’un des opérateurs les plus endettés. En dépit de la chute boursière, la préoccupation principale des marchés se concentrerait d’ailleurs sur le niveau d'endettement du groupe, alors que celui-ci doit faire face à des investissements de plusieurs milliards d’euros pour améliorer son réseau en France.
Au cours des derniers mois, Altice est certes parvenu à refinancer pour plus de 30 milliards de dettes, à des conditions de taux plus favorables tout en allongeant la maturité moyenne de son endettement. Il y a peu, Patrick Drahi se félicitait à ce titre de l’absence d’échéance d’ici à cinq ans.