Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
En forte baisse depuis le début de l’année, comme beaucoup d’autres poids lourds de la cote, Orange ne mérite pas un tel traitement de défaveur boursier, estime Eric Lewin.
Trouver parmi les plus fortes baisses du CAC40 depuis le 1er janvier des valeurs automobiles, aéronautiques ou bancaires n’a rien d’anormal étant donné les dommages considérables provoqués par la pandémie de Covid-19 sur ces secteurs. En revanche, voir l’action Orange céder plus de 33% dans cet intervalle me paraît tout bonnement incompréhensible !
L’opérateur historique a même touché un plus bas depuis cinq ans, alors même que le développement à marche forcée du télétravail est une formidable opportunité pour le secteur des télécoms. Orange a su relever le défi, réactivant deux liens de 100G sur le nouveau câble transatlantique, mais rien n’y fait : les investisseurs restent dubitatifs et tiennent rigueur au groupe d’une publication semestrielle inférieure aux attentes des analystes.
Doutes sur le dividende
L’Ebitda a reculé de 1,8% au deuxième trimestre et la direction anticipe une diminution de 1% sur l’ensemble de l’exercice. Baisse du roaming et légère hausse des provisions pour faire face à des créances douteuses sont d’autres explications de l’ire de la communauté financière, avec également des gérants quelque peu échaudés concernant le dividende.
Si un acompte sur le dividende 2020 sera versé le 9 décembre prochain, la décision sur le solde n’a il est vrai pas encore été prise et doit intervenir entre les dates de publication des résultats du troisième et du quatrième trimestre 2020. La distribution d’un dividende de 0,70 € au titre de l’exercice reste l’objectif, mais cette incertitude a été accueillie avec fraîcheur et compense dans l’esprit des investisseurs le maintien de la prévision d’un cash-flow organique supérieur à 2,3 Mds€ pour 2020.
Il subsiste également des interrogations autour des coûts liés au déploiement de la désormais fameuse 5G, alors qu’Orange s’est positionné pour cinq blocs (le maximum autorisé) de 10 mégahertz (MHz) de fréquences sur la bande des 3,5 gigahertz (GHz) au terme du quatrième tour des enchères, qui s’est achevé ce mardi. Preuve que l’enjeu est de taille, le prix du bloc a atteint 85 M€ ce soir-là, contre 70 M€ à l’ouverture, et les enchères ont débuté à 90 M€ lors du cinquième tour, programmé hier. De fait, il est plus que probable que l’Etat raflera in fine bien plus que les 2,17 Mds€ qu’il prévoyait d’engranger originellement.
La 5G, des questions en suspens
Il ne fait aucun doute que les 11 lots de 10 MHz trouveront preneur et ce feuilleton connaîtra son épilogue d’ici quelques semaines, mais les opérateurs dans leur globalité semblent déterminés à aller vite. Des abonnements 5G pourraient même être proposés d’ici la fin de l’année.
Reste qu’au-delà des fréquences, il va falloir déployer un réseau dont le coût final pourrait être exorbitant. En attendant d’en savoir plus sur ce qu’il adviendra dans l’Hexagone, chaque opérateur pourrait débourser la bagatelle de 45 Mds€ outre-Manche, une somme astronomique et de nature à plomber bien des trésoreries…
Pour autant, malgré ces interrogations majeures, la valorisation actuelle d’Orange me paraît injustifiée. La VE/Ebitda est désormais inférieure à 4 et la VE/Ebit bien en-dessous des 10, une authentique anomalie qui m’interpelle. Et me donne à penser que nous pourrions bien assister sous peu à une reprise technique qui ramènerait le titre – lequel reprend d’ailleurs un peu moins de 2% au moment de la rédaction de cet article – au-dessus des 10 €.