Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le terme boursier du 20 octobre restera pour la postérité celui d’un feu d’artifice ininterrompu de records avec un bouquet final de plus-hauts absolus en séance et en clôture.
Rendements : les actions mieux que les obligations ?
Puisqu’il faut une explication rationnelle, les experts rappellent que les actions apportent plus de rendement que les obligations : c’est une prise de conscience révolutionnaire dont nous devons souligner la pertinence et l’originalité. Cela ne fait en effet que 100 mois (nous avons recompté trois fois pour être bien sûr) que le rally haussier s’est enclenché alors que les banques centrales adoptaient cette stratégie secrète qui vient soudain d’être exposée au grand jour :
« On va écraser le rendement des bons du Trésor, basculer d’une ère de rendement sans risque vers une ère de risque sans rendement et avec un peu de chance, vu que nous instaurons un système basé sur le ‘non choix’, les plus malins finiront peut-être par acheter des actions ».
Au bout de 100 mois, donc, les gérants se sont mis à acheter des actions. Ça a commencé le 29 août et depuis, ils en achètent tous les jours. Alors forcément, ça monte, tranquillement, sereinement – car nous avons affaire à des professionnels qui connaissent leur métier et qui, bien instruits des excès de 2000 et 2007, ramassent du papier avec patience et retenue, ce qui fait que la hausse n’a rien à voir avec une bulle. Le Dow Jones gagne 4% en 4 semaines : quelle tempérance par rapport au rally des dot.com ! Le S&P500 gagne 20% et 10 mois, soit très exactement 2% par mois… c’est ce que cet indice gagnait chaque jour en décembre 1999 !
Les opérateurs ont adopté la maxime « qui veut aller loin ménage sa monture ». Alors à ce rythme modéré de +2% par mois (la « nouvelle normalité »), c’est parti pour deux années de plus de hausse, si l’on en croit les élucubrations des faiseurs d’opinion !
Stooop !!!
Assez de grand n’importe quoi !
▶ Schiller a tout faux !
Nous l’avons dit maintes et maintes fois ; Gilles Leclerc n’a de cesse de vous le démontrer chaque semaine (dernièrement sur le CAC40) : les indices grimpent dans le vide, les volumes d’échange quotidien s’effondrent à une vitesse jamais observée depuis le krach de 1987, les valorisations sont justifiées par des extrapolations de croissance des bénéfices sur 10 ans et une contraction du ratio de Schiller qui n’existera jamais ! J’explique : le ratio de Schiller agrège les résultats des entreprises sur 10 ans et en déduit une moyenne, puis on la compare aux cycles d’expansion économiques précédents. L’écart actuel par rapport à la moyenne historique est stratosphérique mais voilà, Schiller a tout faux : les mauvaises années 2008/2009/2010 font baisser la moyenne décennale qui devrait être plus élevée. Donc les actions sont en réalité beaucoup moins chères corrigées de l’effet de base négatif de la période post-krach.
Tout ce qui compte, c’est le montant des dividendes versés (du point de vue de l’actionnaire) et des trésoreries pléthoriques (du point de vue de l’analyste financier). Tout le reste est accessoire. A moins que le diable ne se niche dans les (très gros) détails, comme par exemple la hausse du taux d’endettement des entreprises, phénomène à mettre en parallèle avec plusieurs milliers de milliards de dollars de rachats de titres à crédit au cours des 5 dernières années (depuis le « whatever it takes » de Mario Draghi).
Tout – absolument tout – n’est plus qu’une gigantesque bulle de crédit (et d’actifs financier achetés à crédit). Le degré d’aveuglement n’a d’autre équivalent que 1929… mais en pire car à l’époque, les « forces du marché » ont fini par sonner la fin de la partie. Or depuis 2012, les détecteurs de fumée et l’alarme surchauffe/incendie ont été débranchés et ont été remplacés par des QE : quand les marchés flambent, ça rajoute du gaz et du kérosène !