2016 : volatilité, banques centrales et black swans - Les prévisions du forum des experts Investing.com (I)
Investing.com - L’année 2015 arrive à son terme. Du point de vue des marchés financiers, on retiendra de cette année, entre autres, le relèvement des taux de la Fed au mois de décembre, le renforcement du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE, le ralentissement de la croissance en Chine et plus généralement de l’économie mondiale, la chute du prix des matières premières, particulièrement du pétrole, les difficultés des émergents et un contexte géopolitique dramatique, tendu et incertain,- avec notamment les attentats de Paris, le conflit en Syrie, l’arrivée massive de migrants en Europe, - dont les effets se prolongeront en 2016.
Pour sa part, le CAC 40 a connu une évolution irrégulière en 2015 (+13%, dividendes compris, sur l’ensemble des 12 mois), progressant très fortement au premier trimestre, enregistrant une chute en août et septembre, se reprenant en octobre pour retomber ensuite sur les deux derniers mois de l’année.
Les investisseurs se demandent désormais quelles stratégies seront les plus rentables en 2016. Quelles actions, quels secteurs seront les plus performants dans les 12 prochains mois ? Quels scénarios privilégier, aussi bien d’un point de vue fondamentale que technique, pour les indices, les matières premières et les devises ? Quels instruments financiers devront être évités ?
Les analystes du Forum des Experts Investing.com ont apporté leurs réponses à ces questions et offrent ci-dessous des pistes, nombreuses et utiles, sur l’évolution des marchés en 2016. Ont participé cette année au Forum des Experts Investing.com : Alexandre Baradez (IG), Christopher Dembik (Saxo Banque), Julien Flot (Graphseobourse.fr), Ilan Smadja (Tradosaure Trading) et Gilbert Drouvroy (Investing.com)
Dans ce premier article, les analystes évoquent le bilan de l’année 2015, les facteurs de volatilité et l’attitude des banques centrales dans les prochains mois ainsi que les possibles « cygnes noirs » de 2016.
1/ Quel bilan pour l’année 2015 et quels qualificatifs employer pour résumer ces douze derniers mois ?
Gilbert Drouvroy, trader indépendant, considère que les marchés de l’année 2015 ont été « toppish, après 2 ans et demi de krach haussier dû aux QE des banques centrales ». Il ajoute : « Je pourrais aussi appeler 2015 l'année du break-out » (voir graphique du Dow Jones ci-dessous).
Pour Gilbert Drouvroy, un des évènements déterminants en 2015 a été « le cygne noir de la BNS qui a lâché le taux plancher des 1,20 sur EUR/CHF le 15 janvier, provoquant un décalage sur plusieurs cross contenus dans l'index dollar entre autres USD/CAD, EUR/USD, USD/SEK, ce qui a soutenu fortement le USD. Ensuite il y a eu la forte baisse qui a commencé en mars et le rebond dans l'attente de la décision de la FED sur les taux » (voir graphique ci-dessous).
Pour l’analyste technique Ilan Smadja (Tradosaure Trading),« l’année 2015 s’achève sur une note de déception. Les premiers mois de l’année ont été prometteurs, explosifs. Mais le potentiel haussier envisagé tout début 2015 par les analystes a été rallié très rapidement, plaçant les institutionnels dans une situation délicate. Il est clair que le krach de la bourse chinoise et la crise grecque version 2.0 ont cueilli des indices au moment où ils étaient mûrs pour la correction (avril-juin 2015). »
2/ Facteurs de volatilité en 2016
Quels scénarios envisager pour 2016 ? Quels seront les principaux facteurs de volatilité sur les marchés en 2016 ?
Alexandre Baradez, analyste marchés chez IG, pense que « les banques centrales resteront un facteur de volatilité en raison des divergences toujours présentes entre la FED et la BCE mais également la BoJ ou la PBOC (Chine). Cette volatilité dépendra notamment du rythme d’ajustement des politiques monétaires et de la capacité des banquiers centraux à communiquer efficacement en évitant de créer des attentes trop fortes sur les marchés comme ce fut le cas avec la réunion de la BCE en décembre ».
Il précise qu’avec le début de normalisation de la politique de la FED, « l’attention devrait se tourner vers la macro pour s’assurer que l’économie est suffisamment résiliente après les interventions monétaires massives. Même constat en zone euro ou les marchés surveilleront autant l’évolution des données économiques que la politique de la BCE ».
Autres éléments à prendre en considération selon l’expert d’IG : « La Chine et les émergents resteront un facteur d’instabilité même si un début de stabilisation pourrait venir d’un rebond des matières premières. Enfin le risque géopolitique devra être pris en compte. La phase de tension qui a suivi l’incident militaire entre la Russie et la Turquie a provoqué des brusques mouvements (certes de court terme) sur les marchés traduisant une sensibilité certaine. Enfin, même si l’impact a été imperceptible sur les marchés jusqu’à présent, les discussions sur la position du Royaume-Uni au sein de l’Europe en amont du référendum présentent toujours un risque potentiel. »
Ilan Smadja (Tradosaure Trading) cite pour sa part, comme facteur de volatilité, « les décisions des banques centrales qui vont influencer l’eurodollar et les taux d’intérêt, les attentats et le prix du pétrole ».
Gilbert Drouvroy considère que les principaux facteurs de volatilité en 2016 seront« les matières premières (à cause des surventes) et les indices US (à cause de la survalorisation) ». Il envisage, comme scénario pour 2016, « une baisse du dollar », ce qui aura pour effet de « soutenir les indices américains et de relancer les matières premières ».
3/ Banques centrales
Que faut-il attendre des banques centrales en 2016 (FED, BCE, BOJ, …) ? Quelle marge de manœuvre pour la BCE dans les 12 mois à venir ? Quelles perspectives de croissance et de relance économique en zone euro ? Quelles sont les conséquences en 2016 du relèvement des taux de la Fed ?
A cette question, Alexandre Baradez (IG) répond que « la BCE devrait rester accommodante face à la situation économique toujours au ralenti en zone euro alors que la FED fait face à une économie domestique plus vigoureuse avec notamment un marché de l’emploi plus dynamique. Même si la BCE devrait être limitée par une opposition interne au sein du Conseil des gouverneurs, elle conservera une posture vigilante et accommodante alors que pour la FED, l’interrogation va porter sur le nombre de relèvements de taux en 2016.
Selon Alexandre Baradez, « la politique monétaire de la BCE porte déjà partiellement ses fruits et permet aux pays de la zone euro de continuer à se réformer avec un impact qui devient progressivement visible sur l’emploi, la production et l’amélioration de PMI (manufacturier et services). Dans un contexte de taux toujours très bas avec un euro qui a rebondi mais reste bas par rapport aux années précédentes et une énergie bon marché, la croissance devrait progressivement accélérer en 2016 avec une accélération des investissements. Plutôt favorable aux marchés actions européens donc ».
Pour Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque, « la Banque du Japon a de fortes chances d’agir de nouveau en accroissant ses rachats d’actifs dans le cadre d’une fuite en avant désespérée. En revanche, la BCE pourrait privilégier, au moins au cours du semestre à venir, l’attentisme. Mario Draghi laisse néanmoins entendre qu’il est disposé à presser le curseur de nouveau si nécessaire. Par conséquent, le durcissement monétaire de la FED ne signe pas la fin des politiques monétaires accommodantes. Nous sommes de plus en plus enclins à penser, d’ailleurs, qu’il est quasiment impossible de sortir des politiques monétaires expansionnistes. Toutefois, on l’a bien vu en 2015, les banques centrales n’ont plus le même effet positif sur les cours ».
Gilbert Drouvroy pense qu’en 2016, les banques centrales poursuivront « leur politique de soutien à la consommation, consommation qui est en panne en raison d’un marché du travail en chute libre », ajoutant que : « d'ailleurs certains ne s'y trompent pas, le revenu universel fait son chemin en Finlande et en Suisse » et, s’interrogeant : « à qui le tour ensuite ? ». Pour l’analyste technique, la marge de manœuvre de la BCE dans les 12 mois à venir correspond « à celle qu'elle a mis en place avec le durcissement des contraintes budgétaires ». Il précise que les perspectives de croissance en zone euro sont évidemment « mauvaises, à cause du marché du travail » et que « la relance économique ne peut passer que par une réindustrialisation minime ». Il explique enfin que le relèvement récent des taux de la Fed entraînera en 2016 « une augmentation de la dette des Etats-Unis et une dérive budgétaire ».
4/ Black swans (Cygnes noirs)
Quels blacks swans sont donc envisageables en 2016 ?
A cette question, Alexandre Baradez (IG) cite : « le défaut d’un pays émergent, un hard landing de la Chine, une hausse brutale de taux de la FED et les discussions sur un Brexit ».
Christopher Dembik (Saxo Banque) explique, quant à lui, que l’on peut « craindre l’abandon par de nombreux pays de l’ancrage au dollar américain. Le pétrole bas et le dollar fort font peser des contraintes financières presque impossibles à de certains Etats. Ce n’est pas un scénario complètement improbable. En plein été, le Kazakhstan a abandonné l’ancrage de sa monnaie à l’USD afin d’instaurer un taux de change flottant. Depuis, elle a perdu près d’un tiers de sa valeur. L’évènement est passé presque inaperçu puisque les marchés étaient focalisés sur les dévaluations successives du yuan chinois. On peut tout à fait envisager que ce qui s’est passé en Asie Mineure ait des répliques ailleurs, notamment dans la péninsule arabique. Les Emirats Arabes Unis ou encore l’Arabie Saoudite sont obligés de revoir leur modèle social très généreux à cause de la diminution des revenus tirés du pétrole et commencent à s’interroger sur l’opportunité du taux de change fixe face au billet vert. Ce système est un bouclier contre l’inflation incontrôlée mais empêche toute relance en ayant recours à l’arme monétaire ».
D’après Gilbert Drouvroy, les black swans, en principe, sont rares. « En voici néanmoins quelques-uns : des mouvements sociaux en Arabie Saoudite - c'est le black swan le plus probable -, un krach obligataire américain, des faillites retentissantes de type Anglo American (L:AAL) ou Glencore (L:GLEN), un nouveau subprime sur le secteur minier ».
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