Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Apple (NASDAQ:AAPL) a soutenu Wall Street presque à elle toute seule hier soir, limitant le repli du S&P500 à 0,1% et contribuant pour plus de 50% à la hausse de 35 points du Nasdaq.
L’action de la marque à la pomme a clôturé sur un gain de 5,96% à 201,5$, soit une capitalisation record de 973,3Mds$ selon le dernier décompte officiel de titres en circulation et après intégration des programmes de rachats et annulations de titres, tel que communiqué aux marchés après la cloche.
Avant leur prise en compte, la « capi » d’Apple avait été estimée à 990,4 Mds$… et il ne manquait plus que 1% pour inscrire une valorisation à 13 chiffres (et 12 zéro) d’un trillion de dollars. Rectification faite – il s’agit d’une différence de 85 millions de titres, soit environ 17 Mds$ –, il manque donc encore 2,8%, et le géant de Cupertino devra afficher un cours de 207,3$ pour atteindre ce niveau.
Ce qui a dopé Apple hier, c’est surtout la progression de 17,4% du chiffre d’affaires, par-delà des ventes d’iPhone inférieures aux anticipations des analystes. Comme Guillaume Duhamel le soulignait dans ces colonnes hier, celles-ci se sont en effet élevées à 41,3 millions d’exemplaires alors que le marché tablait sur 41,8 millions.
Cette hausse des revenus tient sa source dans le niveau élevé du prix de vente unitaire (tous modèles confondus), lequel a atteint 724$, soit 30 de plus que prévu, ce qui démontre que le modèle « X » à plus de 1 000$ a suscité un puissant « effet snobisme ». Il faut en effet bien comprendre que c’est davantage le prix que l’esthétique ou les performances qui en la circonstance dictent le choix des acheteurs. Et dans l’esprit de ces derniers, se promener avec un smartphone payé 1 000$ est perçu comme un marqueur social.
▶ Contre Trump, un patriotisme du « made in China » ?
Selon un rapport de Kantar Worldpanel, les ventes d’iPhone X en Chine et au Japon sont « extraordinaires », avec une part de marché supérieure à 15%. Il y a cependant un risque de taille : qu’Apple soit prochainement victime d’une forme de « patriotisme » technologique des consommateurs chinois si Donald Trump continue de menacer Pékin d’une offensive douanière massive.
Le président américain, qui semble déterminé à aller au bout de sa guerre commerciale et à faire rendre gorge à l’empire du Milieu, a confirmé peu après la clôture de Wall Street la rumeur qui circulait depuis 48 heures et officialisé son intention d’imposer des droits de douane à hauteur de 25% sur 200 Mds$ de produits chinois importés aux Etats-Unis (je précise que la deadline a été repoussée d’une petite semaine, du 30 août au 5 septembre).
Jusqu’à hier soir, Wall Street pensait que c’était du bluff, un de ces « coups de pression » dont raffole le chef de l’exécutif américain. La rumeur d’une surtaxation est toutefois devenue une menace tout à fait explicite et même si les investisseurs avertis semblent persister à minimiser la portée des propos incendiaires de Donald Trump, il serait bien imprudent de négliger le point de vue chinois.
Car Pékin – et le peuple chinois dans sa globalité – déteste les menaces, et si une négociation devait déboucher sur un compromis cet automne, il faudra absolument que le locataire de la Maison-Blanche s’abstienne de se vanter d’avoir mis ses interlocuteurs en situation d’infériorité et de les avoir contraint à accepter ses conditions.
C’est le genre de « deal » qui ferait perdre la face et cela ne serait en aucun cas tolérable dans la mentalité chinoise. Si le président américain fanfaronne, comme cela est très souvent sa tendance, des accords seront peut-être signés, mais il risque fort de n’en tirer aucun fruit.
Auquel cas, soit les accords ne seront pas respectés (c’est l’hypothèse ultime), soit Pékin usera de moyens un peu plus subtils pour lui faire payer l’affront. Je pense ici à la poursuite de la dévaluation compétitive du yuan (au motif que les menaces de sanctions américaines affaiblissent la devise), mais aussi à un appel à la préférence pour les produits chinois lorsque le consommateur dispose d’une offre locale de qualité comparable… ce qui est effectivement le cas pour les smartphones avec Huawei, Honor, Xiaomi (HK:1810) et d’autres marques plus confidentielles qui se spécialisent sur le segment premium.
Attention donc au bluff de Trump si Pékin fait mine de le prendre au premier degré car la presse et le consommateur chinois n’attendent qu’un prétexte (plus concrètement le feu vert de Xi Jinping) pour signifier leur allergie au procédé lui-même…