Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
En rechutant vendredi dernier de 1% au contact de son plancher des 5 et 6 juillet derniers, l’indice SSE de la Bourse de Shanghai a vécu un basculement stricto sensu historique puisque pour la première fois depuis décembre 2014, la valorisation cumulée de l’ensemble des entreprises cotées sur les diverses places boursières chinoises est retombée sous celle des valeurs cotées sur les principaux indices nippons (qui ont fini stables ce vendredi) : 6 090 Mds$ contre 6 170Mds$.
L’air de rien, la Chine vient donc de perdre son statut de numéro deux des marchés boursiers planétaires, très loin derrière les Etats-Unis, intouchables avec leur 31 000 Mds$ de capitalisation (S&P500 et Nasdaq Composite + Russel2000, après correction des valeurs qui appartiennent à plusieurs indices simultanément, ce qui est notamment le cas d’Apple (NASDAQ:AAPL), dont la capitalisation a atteint 1 002Mds$, soit 15% de l’ensemble des valeurs chinoises).
Notons aussi que la capitalisation de Wall Street atteint pratiquement 150% du PIB américain, du jamais vu depuis le krach de 1929 et la bulle des « dot.com ».
En ce qui concerne la Chine, la barre des 150% du PIB avait également été approchée brièvement lors de la bulle de l’automne 2014 au printemps 2015, avec une « capi » de plus de 10 000 Mds$, avant un krach au cours de l’été 2015 qui a donné lieu à un plongeon d’environ 40% de la Bourse de Shanghai.
Plus près de nous, l’indice composite de la Bourse de Shanghai a dégringolé de plus de 16% depuis le début de l’année, signant l’une des pires performances de l’année parmi les grandes Bourses mondiales (le S&P500 et le Nasdaq ont quant à eux engrangé respectivement 5,2 et 13,2%). Cette contre-performance est d’autant plus regrettable pour un investisseur occidental qu’elle va de pair avec la chute du yuan (-6% depuis le 1er janvier), lequel a testé un plancher à 6,888$ vendredi.
Pékin pourrait maintenant considérer qu’avec un yuan qui retrace (à 1% près) son plancher du 20 décembre 2016 (6 955$), il serait temps d’appuyer sur le frein avant de s’approcher trop près du mur des 7,00$, ce qui ne manquerait pas de déclencher l’alerte rouge à Washington.
Donald Trump n’a aucun intérêt à faire chuter Wall Street
L’autre facteur qui pourrait très bientôt lézarder la confiance des cambistes et remettre en cause le statut de « refuge » du dollar, ce sont les élections de mi-mandat, alors que les derniers sondages donnent de bonnes chances aux démocrates de reporter les 23 sièges qui leur permettraient de redevenir majoritaires à la Chambre des Représentants.
En ce qui concerne le Sénat, l’objectif semble encore plus accessible puisqu’il ne manque que deux sièges à l’opposition (sur 36 à pourvoir) pour qu’elle reprenne le contrôle (à condition bien sûr de n’en perdre aucun par rapport à la configuration actuelle).
En cas d’échec lors de ce scrutin, suivant ce qui était arrivé à son prédécesseur, « empêché » dans sa politique par un Congrès hostile, Donald Trump aurait toutes les peines du monde à faire passer une nouvelle réforme fiscale encore plus favorable aux ultra-riches dont beaucoup d’élus du Congrès font partie.
Pour l’heure, l’objectif du président américain est de réduire encore plus leur ardoise fiscale, déjà considérablement allégée depuis décembre dernier… quitte à contrevenir aux intérêts de ses propres électeurs puisque le creusement des déficits retombera immanquablement, à moyen terme, sur les épaules des contribuables de la middle class.
Et la question des déficits va de toute façon redevenir centrale d’ici moins d’un mois puisque Donald Trump se sert du chantage au « shutdown ». Si la situation actuelle devait perdurer, il n’y aura plus d’argent pour financer les administrations américaines à partir de fin septembre, à moins de relever le plafond des déficits au-delà de 1 300 Mds$ pour boucler le quatrième trimestre.
L’approbation présidentielle d’un relèvement de l’enveloppe budgétaire dépend désormais de celle du financement de son projet de mur destiné à rendre étanche la frontière mexicaine sur l’ensemble de ses 3 150 kilomètres, et le locataire de la Maison-Blanche se dit prêt à prendre tous les risques politiques « parce que cela en vaut la peine ».
Il sait cependant aussi que rien ne vaut la peine de faire chuter Wall Street… puisqu’il considère lui-même que la vigueur des indices américains constitue le meilleur baromètre de son propre génie économique.
Pour autant, chacun sait bien que la frontière entre le génie et la folie est très ténue… et qu’un mur n’empêcherait pas forcément Donald Trump de basculer du premier vers la seconde.