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La loi sapin 2, l’épargne des Français et la crise sanitaire
La conjoncture sanitaire de 2020, qui déborde actuellement sur 2021, ne va certainement pas arranger la relance économique. D’autant plus que celle-ci était déjà quelque peu compromise avant le printemps dernier. Ainsi, les économistes du Fonds Monétaire International (FMI) indiquaient récemment que « la croissance mondiale serait négative en 2020″. De préciser que « l’on se trouve face aux pires conséquences économiques depuis la grande dépression de 1929 ». Alors quel est le risque d’activation de la loi sapin 2 face à la crise sanitaire.
En France, Bruno Le Maire table même sur un repli de – 8 % de la croissance. Dans ce marasme, quid de La loi Sapin 2 de 2016, qui a vocation à protéger les banques contre une crise financière systémique et un éventuel mouvement de panique chez les épargnants ?
Centaure Investissements vous explique pourquoi l’épargne liquide détenu en France sur les livrets A, LDD, comptes sur livrets et autres fonds en euros, se retrouve sous une épée de Damoclès au dessus de la tête.
La loi Sapin 2 dans le contexte délicat de la pandémie
Dans le contexte de crise sanitaire, certains épargnants ont pu craindre le blocage des opérations de rachats sur les fonds en euros de leur contrat d’assurance vie. En effet grâce au levier de l’Article 21 bis du projet de loi Sapin II, la loi a octroyé un nouveau pouvoir au Haut Conseil de stabilité financière.
Ainsi les rachats peuvent être suspendus pour une durée de 3 mois, renouvelable, si la situation financière le justifie, sans pouvoir dépasser un blocage supérieur à 6 mois consécutifs.
Les mesures impactant les opérations des épargnants concernent principalement le blocage des rachats des fonds en euros des contrats d’assurance-vie, les contrats de capitalisation, les produits d’épargne retraite de type PER, les livrets A, les PEL, etc. …
Quels sont les risques de blocages dans le contexte actuel lié à la covid 19 ?
La loi Sapin 2 a pour but de maitriser un éventuel mouvement de panique via des rachats massifs pouvant mettre en péril la stabilité des banques et des compagnies d’assurance, puis par effet boule de neige, l’épargne des souscripteurs.
Pour rappel, des restrictions potentiellement appliquées sur l’épargne des Français auraient pour finalité de protéger les organismes financiers d’une hausse rapide des taux d’intérêt. Si certains taux d’intérêt d’État comme ceux de la France ont récemment augmenté, ceux-ci restent néanmoins à des niveaux négatifs actuellement.
Vers une ponction de l’épargne des Français pour rembourser la dette ?
Plus de 200 000 milliards d’euros. C’est l’épargne réalisée par les Français depuis le début de la crise sanitaire. Historiquement, il est déjà arrivé que des États aient puisé dans l’épargne des contribuables pour aider à financer de la dette. Et cela fut évoqué de temps à autres, par le Ministre de l’économie ou par certains économistes depuis le début de la coronacrise. Les Français épargnent pendant que la dette se creuse, ce qui peut paraître illogique pour ceux qui vont chercher à soutenir une économie toujours plus pesante, sur le fil d’un rasoir qui n’en finit plus. Mais Bercy n’est pas seul à pouvoir se prévaloir de possibles ponctions, qui pourraient être d’ordre fiscales par exemple.
Notons que les banques peuvent également ponctionner dans l’épargne de leurs clients pour se « refaire une santé financière ». Ce scénario sera-t-il l’un des dommages collatéraux du chômage partiel, des aides du fonds de solidarité, et des différentes aides distribuées aux entreprises et aux ménages ? Nous le découvrirons à l’heure des comptes, surtout en cas de remontée rapide des taux et d’un retour probant de l’inflation.
L’assurance vie luxembourgeoise et la loi Sapin 2
Le Grand-duché a un atout de taille pour les épargnants en quête de sécurité. En effet, Le super privilège des contrats d’assurance-vie luxembourgeois est au cœur de leur dispositif. Ainsi, leur solidité financière est avérée. En effet, Le Luxembourg apporte une garantie illimitée de l’épargne en cas de défaut, lorsque la France ne protège le capital de l’épargnant que dans une limite de 70 000 euros par assuré et par compagnie.
In fine, il convient de rester attentif aux soubresauts du marché obligataire composé des dettes souveraines et « corporate » (bancaire en grande partie). En effet, Les taux sont actuellement proches de zéro. Dès lors, si la situation économique devait de se tendre dans un avenir proche, la solution luxembourgeoise serait probablement une excellente solution. Mais avant d’en arriver à un tel scénario catastrophe, il pourrait poindre les signes avant coureurs permettant d’entrevoir un éventuel Krach …
Toutefois, ce n’est plus une chimère de penser que si le contexte s’aggravait, les États pourraient bel et bien mettre en place des systèmes de contraintes sur l’épargne liquide comme les fonds euros et les livrets. Plus largement toutes les enveloppes pourraient se retrouver dans le viseur !
Dans quel état se trouvera l’économie dans les mois à venir ?
Les banques centrales et les États sont toujours à la manoeuvre avec de multiples plans de relance et des injections de liquidités sans précédent, pour soutenir une économie à deux vitesses. Néanmoins, le constat est que toutes les règles économiques ont volé en éclat depuis le début de la crise sanitaire. Nous vivons donc l’histoire économique de la planète capitalisme au quotidien, car cette crise ne ressemble à aucune autre. En effet, lors d’une crise comme celle que nous avons vécu en 2008, tous les voyants sont passés au rouge. Chômage de masse, faillites, récession, chute de la consommation et des investissements étaient au menu de cette crise financière post 2010. Cela, classiquement, avant de voir la croissance rebondir, le taux de chômage baisser, des entreprises se créer, et surtout, un effet de rattrapage sur la consommation et l’investissement.
Cette crise sanitaire version 2020 aura vu naître une nouvelle capacité à réagir et une tendance de la part des banques centrales tout particulièrement, et surtout un positionnement de surpuissance de celles-ci, bien au-delà de la puissance des États, pourtant à la manoeuvre également. Ce soutien massif, rapide, et historique, permet aujourd’hui encore de pallier à la chute inexorable de la croissance, due au blocage de nombreux secteurs économiques, encore en berne, plus d’un an après le début de la pandémie.
Mais … car il y a toujours un mais !
Toutefois, ce soutien, en format « quoi qu’il en coûte », de l’économie se paiera probablement au prix fort. La stratégie qui propose un endettement sans limite pour maintenir « sous oxygène » des entreprises déjà mal en point avant la pandémie, dites Zombies, et des emplois du « monde d’avant », s’évalue aujourd’hui en milliards de milliards de liquidités injectées en version « planche à billets ». Et cela cumulé à une sortie de crise prochaine, ponctuée par un rattrapage de la consommation et un retour à l’investissement laissent présager une surchauffe de l’économie..
Quel sera l’effet du « quoi qu’il en coûte » ?
Le résultat de ce cocktail pourrait avoir un effet explosif. Imaginez un sportif au top de sa forme, prendre un produit dopant pour améliorer ses performances de plus de 30 %. Le résultat serait probablement positif (sans jeu de mot) à court terme, mais extrêmement dangereux sur le long terme pour sa santé. L’économie pourrait devenir ainsi dangereusement fragilisée.
De ce fait, il est probable que, tant que le virus n’est pas vaincu, que les banques centrales poursuivent l’injection de liquidités et que les États poursuivent les plans de soutiens, les marchés financiers poursuivent la hausse actuelle. Mais, comme dans toute hausse irrationnelle s’intègrent de nombreuses bulles et certaines sont extrêmement lisibles aujourd’hui. En effet, beaucoup d’entreprises « zombies » bénéficient des faveurs des investisseurs, alors qu’elles sont déjà condamnées parce que ultra endettées. Sans parler d’un bitcoin à 50 000 dollars, conséquence d’un simple twitt d’Elon Musk. Imaginez, en revenant 10 ans en arrière, qu’une monnaie, sans banque, devienne la plus chère de l’histoire, grâce aux simples commentaires publiés sur Twitter (NYSE:TWTR). Imaginez encore, que la capitalisation ubuesque d’une entreprise startup comme Tesla (NASDAQ:TSLA), dépasse 700 milliards de dollars, soit plus que la capitalisation cumulée de Toyota (T:7203), Volkswagen (DE:VOWG_p), Général Motors, BMW (DE:BMWG) et Ferrari (NYSE:RACE), pour seulement 500 000 voitures livrées en 2020 ! Crazy !
Les fondamentaux doivent être respectés
Au-delà de ces aspects irrationnels des marchés, nous restons plutôt très positifs pour 2021, pour les fonds et entreprises qui restent rationnelles, aux business modèles cohérents, et aux fondamentaux solides. D’autant qu’un nouveau variant visiblement insensible aux vaccins vient d’être découvert, ce qui risque de retarder l’effet surchauffe.
2021 positif, mais après ?
Nous n’avons jamais été aussi proche d’un retour à la normale. La croissance sera vraisemblablement excellente en 2021, l’épargne stockée permettra un rattrapage de la consommation et l’investissement repartira grâce aux différents plans mis en oeuvre par les banques centrales et les États. Une espèce d’euphorie économique pourrait même être au rendez-vous du monde d’après. Mais un retour de l’inflation, disparue depuis longtemps, devrait apparaître, avec une probable remontée des taux. En effet, il parait difficilement envisageable de rester en taux négatifs dans un contexte économique euphorique, avec une croissance forte et un retour de l’inflation.
L’heure du bilan
C’est à ce moment là que le verdict devrait tomber. En effet, le trop plein de liquidités, les bulles, l’euphorie sur les marchés, les apprentis traders, souvent irrationnels eux aussi, et la surchauffe de l’économie risquent de nous entrainer vers des moments bien moins sexy. Mais l’euphorie peut encore durer des mois voire quelques années. La bonne nouvelle est que nous devrions percevoir suffisamment tôt les signes avant coureurs d’un possible krach annoncé. Il faudra alors être très sélectif dans ses choix d’investissements, en respectant les fondamentaux habituels, de sous-jacents cohérents et rationnels. La baisse arrivera sans nulle doute, et il faudra une nouvelle fois faire le dos rond, le temps que la tempête passe. Mais les alternatives pour bénéficier d’un minimum de rendement acceptable sur l’épargne ne sont pas nombreuses. Aussi, en respectant les fondamentaux habituels, nous pourrons probablement rester positionnés.
Mais d’ici-là … beaucoup de choses peuvent se passer.