Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
La « magie » du verbe de la Fed continue d’opérer et elle nourrit l’anticipation d’un été ensoleillé.
« La hausse des taux va garantir la pérennité de la croissance sur plusieurs années », a répété Jerome Powell devant deux commissions du Congrès à 24 heures d’intervalle. Cette phrase a été reprise en boucle hier par tous les commentateurs, consécutivement à une énième rafale de records du Nasdaq Composite et du Nasdaq-100, pour (tenter de) justifier la confiance des investisseurs et le retour de l’appétit pour le risque.
Comme si cet appétit avait disparu… alors que le Dow Jones et le S&P500 ont aligné neuf séances de hausse sur une série de dix depuis le 2 juillet, tandis que le VIX a effectué une nouvelle incursion sous le seuil des 12… c’est-à-dire dans une zone de « complaisance extrême » où n’importe quel cumulo-nimbus en forme d’enclume violacée est assimilée à un « nuage de beau temps ».
▶ La capitalisation boursière du Top 5 de l’indice S&P500 affole les compteurs
Le baromètre de Wall Street est en fait complètement figé sur « beau fixe » depuis 15 jours et il en découle une ultra-concentration des achats, qui aboutit à ce constat vertigineux : la capitalisation boursière du Top 5 du S&P500 s’établit à… 4 095 Mds$, tandis que les 282 plus « modestes » de l’indice pèsent un total de 4 092 Mds$.
Autre donnée éminemment révélatrice : le résultat de l’addition des dix plus grosses capitalisations du S&P500 dépasse celui des 400 valeurs les plus faibles de l’indice.
Devenu le « grand attracteur », Fangman semble agir comme un trou noir super-massif qui aspire la matière environnante à un rythme effréné.
La seule petite variante des quatre dernières séances réside dans une activité plus soutenue sur les valeurs financières, sans qu’il soit possible d’évoquer une rotation sectorielle à ce stade.
La phase de sous-performance chronique a certes pris fin, mais il ne s’agit pas encore, loin de là, d’un retour en grâce… et l’impopularité des banques a peu de chance de s’évanouir tant que le spread 2 ans/10 ans sur les T-Bonds américains continue de s’écraser.
▶ Le marché reste imperméable aux indicateurs
La communication de Jerome Powell était parfaitement calibrée et les adjectifs soigneusement soupesés puisque ses propos n’ont pas suscité l’ébauche d’une vaguelette sur les marchés obligataires, l’écart des rendements du 3 mois au 30 ans demeurant parfaitement identique… et l’écart entre le 24 mois et le 10 ans stable autour de 30 points de base.
Rien ne semble impacter la courbe des taux, ni les bons ni les mauvais indicateurs macros, y compris lorsqu’ils concernent le même secteur d’activité. Je signalerais tout de même que l’indice NAHB du marché du logement est ressorti mardi stable à 68 pour le mois en cours, alors que les acquéreurs semblent plus motivés que jamais (j’en veux pour preuve la hausse du sous-indice des « intentions d’achat » de 50 à 52), mais qu’aucune tension du 30 ans (la référence en termes de prêts immobiliers) n’est perceptible.
A contrario, les mises en chantier de logements neufs et permis de construire ont reculé hier de respectivement 12,3 et 2% à 1,173 million et 1,273 million, contre 1,318 million et 1,330 million attendus par le consensus. Pour autant, pas le moindre tressaillement du 30 ans là non plus…
Wall Street et les marchés de taux se comportent comme un avion pour ses passagers de la business class. Cet avion décolle de Las Vegas où il fait 45 degrés Celsius pour grimper un quart d’heure plus tard à 10 000 mètres, où il fait 90 degrés de moins, mais la température à bord est de 22 degrés et il n’y a pas d’heure pour se faire servir une coupe de champagne.
Le seul risque qu’il n’en soit pas toujours ainsi ? Une grève des hôtesses et des stewards !