Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Skynet a pris le contrôle et chaque semaine qui passe témoigne de l’emballement inexorable des machines algorithmiques. Ce à quoi nous assistons ressemble à la phase maniaque (terminale) du printemps 1928 à octobre 1929, ou d’octobre 1998 à mars 2000… mais sans la ruée éperdue des épargnants novices vers la Bourse.
Ces derniers se méfient sans doute d’un marché où les PER dépassent les 30 et où la hausse des cours va 4 à 5 fois plus vite que la progression des profits réels. Ils ont trouvé plus excitant, plus volatile et plus déconnecté de toute réalité économique avec le Bitcoin dont le prix en Dollar vient de pulvériser les 6.850 $ contre 6.750 pts pour le Nasdaq ! Le Bitcoin n’a pas de PER, pas de rendement, pas de valeur intrinsèque, pas d’existence matérielle (contrairement à une pièce en nickel, un ticket resto, un chèque cadeau, une carte de crédit), pas de potentiel d’amélioration conjoncturelle justifiant son appréciation : il ne vaut que ce que les gens sont prêts à payer et sa meilleure publicité, c’est justement sa capacité de voir sa valeur tendre spontanément vers l’infini – comme la bêtise humaine selon Einstein.
Mais revenons aux indices boursiers. Le surgissement de séquences graphiques paraboliques provient juste du fait que les algos répliquent ce que les foules en délire seraient supposées faire quand 6 000 Mds de dollars ont été injectés en 10 mois par la BCE, la BoJ et surtout par la PBOC (Popular Bank of China). Tout comme en 1998 et en 2012, le Dow Jones a bouclé mardi soir son 7ème mois consécutif à la hausse et surtout le 10ème sur une série de 11 : il s’agit de la plus longue série de gain depuis… devinez.
… Et bien depuis octobre 1986 à juillet 1987 puis juillet 2007 à mai 2007. La référence à l’année 1999 n’est désormais plus pertinente : le Nasdaq a inscrit mercredi matin un 63ème record absolu pour l’année en cours, du jamais vu depuis 37 ans… c’est à dire en 1980. Le Nasdaq avait affiché +34% de gain cette année-là (contre +25% en 2017) mais sa capitalisation globale représentait alors 1% de celle des GAFA d’aujourd’hui (2 630 Mds$). (A propos, saviez-vous que le titre Apple (NASDAQ:AAPL) pourrait atteindre le trilliard (1 000 Mds$) de capitalisation si le cours atteint 193 $ ?).
Le Nasdaq vient d’aligner un 14ème mois de hausse sur 16 : la précédente séquence quasi identique de novembre 2012 à mars 2014 avait été émaillée de trois petits faux pas, également sans aucune consolidation égale ou supérieure à -3%. La performance devient hors norme si nous remontons au mois de février 2016 puisque nous observons que le Composite vient de boucler un 16ème mois de hausse sur une série 20, mouvement linéaire que se solde par un gain de 2 550 points, soit +60% d’un seul élan, entre 4 210 et 6 760 pts… Le précédent le plus fameux demeure la séquence de 19 mois de hausses dont 4 de consolidation marginale de fin septembre 1998 à début mars 2009. Le Nasdaq avait alors gagné 3 770 points et sa valorisation avait été multiplié par 3,75 : imbattable, sauf par le Bitcoin qui fait 20 fois mieux sur 20 mois et x10 depuis le 31 octobre 2016 (688 $ en intraday).
Depuis le plancher des 1 265 pts de mars 2009, le Nasdaq a vu sa valorisation multipliée par 5,3 et sa capitalisation s’est accrue cette année de 1 000 Mds$ rien qu’avec les quatre GAFA qui comptent pour 75% de la hausse de l’indice depuis le 1er janvier. La capitalisation globale a augmenté de 25% cette année soit deux fois plus vite que les bénéfices des entreprises qui le composent et le segment haussier septembre/octobre serait bel et bien un équivalent de l’accélération parabolique de janvier à mars 2000… Mais cette fois, les petits porteurs ont préféré le bitcoin.