Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
La journée de demain devrait être animée sur le marché de l’or noir, l’Arabie Saoudite se préparant à ouvrir grand les vannes de sa production.
Après l’échec des discussions avec les membres de l’OPEP et la Russie ces dernières semaines pour tenter de juguler la chute des cours, Riyad a changé de braquet au cours des trois dernières semaines et entamé une guerre ouverte des prix avec sa meilleure ennemie, Moscou.
Cette stratégie de conquête de parts de marché en faisant volontairement plonger les cours est toutefois très dangereuse pour les budgets de l’ensemble des pays producteurs, d’autant que la pandémie de coronavirus est venue ébranler une demande globale déjà en repli avec le ralentissement chinois.
Avec en outre des stocks de brut au plus haut, il en a découlé un double effet ciseau avec pour conséquence un plongeon du baril de WTI hier sous les 20 $.
Jusqu’où tiendront les trois acteurs (Arabie Saoudite, Etats-Unis et Russie) d’une partie de poker menteur dans les règles de l’art ? Personne ne le sait à ce stade, mais il conviendra de suivre de très près les prochains développements liés au pétrole de schiste américain, problématique majeure que mon collègue Eric a évoquée dans son point vidéo quotidien d’hier.
Rappelons que nous sommes de surcroît dans une année électorale outre-Atlantique et que si d’aventure les cours devaient durablement se maintenir sous les 20 $, les défauts de paiement risqueraient de se succéder dans le secteur, avec de facto force licenciements…
Scénario catastrophe pour Donald Trump ?
Vu déjà le nombre record d’inscriptions hebdomadaires au chômage observé la semaine dernière, et sachant que les chiffres de l’emploi américain au titre du mois qui s’achève seront dévoilés après-demain, un tel scénario pourrait se révéler catastrophique pour Donald Trump, dont la base électorale est hélas bien partie pour payer un très lourd tribut au Covid-19.
La pandémie pourrait également être un coup très dur pour le secteur bancaire américain, grand financeur de l’indépendance pétrolière américaine retrouvée ces dernières années.
Dans l’immédiat, force est de constater que les cours ont chuté vers des plus bas historiques (cf. le rectangle horizontal grisé sur mon graphique ci-dessus). Et même si, à long terme, avoir moins de producteurs d’or noir (et donc moins d’offre disponible) finira inéluctablement par faire remonter les cours, à mesure que l’économie, et donc la demande, repartira, acheter sur les niveaux actuels est pour le moins aventureux.
En effet, et comme le relayaient mes confrères de BFM hier, sur certaines échéances les cours du baril tombent déjà sous les 1 $, voire en territoire négatif dans certaines situations extrêmes (le coût du simple stockage dépassant alors le prix de revient des ventes pour ces producteurs).
Néanmoins, de mon point de vue, c’est typiquement dans ce genre de situations que les « plus belles surprises » arrivent. En d’autres termes, je ne serais pas étonné « qu’il se passe quelque chose » entre les 10 et 20 $ durant le printemps…
En attendant, la faiblesse des cours de l’or noir profite aux compagnies aériennes, dont le gros de leurs coûts proviennent du carburant. Une bouffée d’oxygène très relative tout de même sachant qu’avec la généralisation des confinements, il n’y a malheureusement plus grand-monde à transporter…