La livre turque a connu un nouvel accès de faiblesse la semaine dernière sur le marché des changes, après que la Banque centrale ait décidé, contre toute attente, de maintenir inchangé son principal taux directeur.
Bien que l'économie turque connaisse l’un des taux de croissance les plus élevés à l’échelle mondiale (plus de 7% l’an dernier), elle n’en présente pas moins des signes de surchauffe, symbolisés par une inflation galopante, supérieure à 15% en juin, et une chute quasi ininterrompue de sa devise.
Dans ce contexte, les économistes préconisaient et s’attendaient à ce que la Banque centrale relève lundi dernier ses taux directeurs, notamment celui de refinancement à une semaine.
En vain. A l’occasion de sa réunion de politique monétaire, sa première depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime présidentiel, l’institution a préconisé le statu quo, renforçant le sentiment des investisseurs quant à son manque d’indépendance à l’égard du pouvoir. Rappelons au passage que la nomination par Recep Tayyip Erdogan de son gendre comme ministre des Finances, n’a pas rassuré les marchés.
S’autoproclamant « ennemi des taux d’intérêt », Erdogan a pour mémoire multiplié les appels en faveur des taux bas, afin de soutenir la croissance de l'économie.
Justifiant sa décision, l’institution a souligné que des signes d'affaiblissement de la demande intérieure expliquaient le maintien de son principal taux directeur à 17,75%, alors que de nombreux économistes tablaient sur une hausse de 100 à 125 points de base.
Dans la foulée, la livre turque, qui affichait déjà un repli de 20% depuis le début de l'année, a encore perdu plus de 3% la semaine passée, se traitant désormais à 5,69 livres pour un euro.
Cité par l’agence Reuters, Paul Greer, gérant du département obligataire et de la dette émergente chez Fidelity International, souligne qu’il s’agissait « d’une erreur de politique majeure et d’une occasion manquée de s'appuyer sur la crédibilité engrangée après les resserrement monétaires (500 points de base) réalisés au deuxième trimestre.
Près de 20% de rendement annuel
Sur le marché de la dette, l’inquiétude des investisseurs vis-à-vis de la politique économique peu orthodoxe prônée par le chef de l’État se matérialise par des niveaux de rendement sans cesse plus élevés pour se positionner sur des emprunts libellés en livre turque.
C’est notamment le cas de l’emprunt à quatre ans de la Banque européenne d’investissement, noté AAA chez Standard & Poor’s, dont le rendement annuel atteint désormais près de 20%.