Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
A quelques encablures de la fin du mois de mars et de la conclusion du premier trimestre de 2019, les « sherpas » gardent peut-être quelques munitions pour orchestrer un ultime coup de reins ce jeudi et vendredi. Les enjeux sont clairs : que les marchés actions finissent ce trimestre au plus haut, entériner la meilleure entame d’année boursière depuis 2012 et enregistrer la meilleure performance trimestrielle depuis l’été 2019.
Pour l’heure, le Dow Jones affiche un gain de 10% depuis le 1er janvier, tandis que le Nasdaq a grimpé de plus de 15%. Indice de référence de la Bourse d’Athènes, l’Athex fait encore mieux avec un bond de 16%, mais c’est le marché chinois, soutenu à bout de bras par la banque centrale (PBOC), qui affole le plus les compteurs (+21,5% pour le SSE (Shanghai), +24% pour le CSI-300, le plus représentatif des indices de l’Empire du Milieu à en croire les spécialistes).
En termes de performances sectorielles, les semi-conducteurs dominaient largement avec un gain de 25% au soir du 22 mars, mais la machine s’est quelque peu grippée depuis et ce secteur n’engrangeait plus que 20% au moment où j’écrivais ces lignes, autour de minuit. C’est désormais le « Dow Commodity Energy » qui tient la corde. En progression de 25,5%, il fait aussi plus de deux fois mieux que le « Dow Utilities », lequel s’adjuge quant à lui 11% environ.
Précisons que ce dernier secteur affiche la meilleure performance depuis le 30 septembre dernier avec une hausse de 10%… et de surcroît la progression la plus régulière de tous les secteurs depuis le 1er janvier.
De leur côté, les T-Bonds américains affichent +6% depuis le 30 septembre dernier (entre 117,5 et 124,95), alors que le dix ans décroche la palme de la régularité sur deux trimestres consécutifs, indépendamment du dernier tour de vis monétaire du 19 décembre dernier.
Depuis le début de l’année, la décrue des rendements obligataires passait pour une aubaine – la prime de risque des actions s’accroissant symétriquement –, mais depuis la dernière réunion de la FED le 20 mars dernier, la supposée aubaine fait davantage figure de malentendu.
La crédibilité politique d’Erdogan pourrait être fragilisée
L’effondrement des rendements obligataires dépasse en effet de très loin les anticipations formulées au lendemain de l’annonce d’une attitude plus « colombe » qu’anticipé de la Réserve fédérale américaine et la structure de la courbe (inversée en totalité) équivaut maintenant à un avertissement sévère sur un risque de récession imminent.
Mais il y a plus spectaculaire encore ! Plus spectaculaire aussi – et plus inattendu – que la probable démission de Theresa May, Première ministre disposée à abandonner prématurément ses fonctions si ce départ pouvait permettre de faire adopter son « deal » avec Bruxelles sur le Brexit.
Même si les grands médias ne se sont pas (encore ?) emparés du dossier, la livre turque, la dette souveraine et la Bourse d’Istanbul sont en effet sur la trajectoire du désastre.
Concrètement, les CDS sur la dette turque viennent de s’envoler de 50% en dix jours, dont +12% en l’espace de 48 heures. Le swap dollar/livre turque a quant à lui explosé de 10% à 345% – en 48 heures également -, puis de… 1 000% au cours des 24 heures suivantes (à 1 338%). Enfin, le rendement de l’emprunt de référence 2029 est passé de 15,5 à 18,5% en une semaine, quand dans le même temps le « 12 mois » se hissait de 18,8 à 22,1%.
Cela ressemble à un échec et mat des marchés contre le dirigisme de Recep Tayyip Erdogan, lequel ne manquera pas de hurler au complot de la finance infidèle contre un pays qui effectue son grand retour vers ses racines islamiques. Un complot ourdi depuis Londres et surtout les Etats-Unis, lesquels refusent toujours d’extrader le traître Fethullah Gülen.
Il faudra surveiller toutes les déclarations du président turc à compter de ce 28 mars car les menaces qu’il est susceptible de proférer contre l’Occident ne seraient pas anodines. M. Erdogan ne peut il est vrai se permettre de rater sa fuite en avant dans la dénonciation de « l’ennemi extérieur » aux yeux de ses supporteurs, pour la bonne raison qu’il en va de sa crédibilité politique (sa crédibilité économique étant carbonisée).