Le 29 janvier, l’agence Fitch Ratings a dégradé la note d’émetteur à long terme de Pemex de deux crans, à BBB-, un niveau au-dessous du segment de la catégorie spéculative. La perspective de la note est négative, ce qui signifie qu’une future dégradation du rating n'est pas à exclure terme.
Pemex est déjà à la limite chez Moody’s qui lui attribue un Baa3 (perspective stable), mais le groupe d'hydrocarbures est un peu mieux noté chez S&P (BBB+).
Pemex est une compagnie pétrolière présente sur l’ensemble de la chaîne de création de valeur pétrolière, de l’exploration à la distribution en passant par l’extraction et le raffinage. Détenue à 100% par l’État mexicain, l’entreprise est la principale contributrice au budget du Mexique, représentant entre 25 et 30% des revenus. Elle est aussi l’entreprise la plus endettée d’Amérique latine avec près de 100 milliards de dollars de dette.
Une dégradation supplémentaire de la note aurait pour effet de faire basculer Pemex dans le rang des émetteurs spéculatifs, forçant les investisseurs qui ne peuvent détenir ce genre d’obligations à vendre (mécaniquement) leurs titres. Or un grand nombre de portefeuilles obligataires détiennent des titres de la compagnie pétrolière, constate un analyste spécialiste du marché du crédit. Une des conséquences immédiates serait une augmentation substantielle de la prime de risque, ajoute-t-il.
Et celui-ci de préciser que Pemex serait pris dans un cercle vicieux : les besoins financiers du pays laissent peu de marges pour les dépenses d’investissement de la compagnie pétrolière, ce qui peut conduire à des baisses supplémentaires de production et à affaiblir la génération de trésorerie avec, au stade ultime, une aggravation de l’endettement. Il est important de souligner que la dette de Pemex ne bénéficie pas d’une garantie explicite du gouvernement, précise-t-il.
Fitch Ratings, qui tient un raisonnement similaire, déplore que les autorités n’aient pas reconnu l’importance stratégique de Pemex pour le pays. La fragilisation financière de l’entreprise pourrait avoir des conséquences opérationnelles importantes (par exemple en perturbant la livraison des carburants dans le pays), et par ricochet un impact social et économique pour le Mexique. L’agence accorde un rating CCC (contre B- avant) à Pemex en tant qu’entité indépendante (stand alone).
Dans ce contexte, la décision de Fitch Ratings n’est pas passée inaperçue sur le marché obligataire. Pour ne citer qu’elle, l’obligation Pemex 2,5% 24/11/2022 libellée en euro est passée de l’ordre de 98% à 96,5% du nominal sur le marché secondaire, portant le rendement à 3,41%. Elle se redresse pourtant depuis, montrant que les investisseurs ne la boudent pas encore. Son cours avoisine 97,5% ce qui se traduit par un rendement en légère baisse.
Entretemps, la société pourrait bénéficier d'une injection de capital à travers une introduction en Bourse. De plus, des modifications fiscales pourraient alléger la taxation de la société.
S'il faudra que ces mesures convainquent les marchés, certains analystes n'hésitent à se positionner à contre-courant concernant l'évolution de la dette après la baisse de son rating. Ainsi l'agence Bloomberg estime que les obligations de Pemex traitent déjà à des niveaux correspondant à ceux de la catégorie spéculative, ce qui revient à dire que les prix et rendements prennent déjà en compte une dégradation potentielle de la qualité de l'émetteur.
En revanche, ces analystes se montrent plus prudents en cas de baisse des prix du pétrole, car le rendement des obligations Pemex est inversément corrélé à l'évolution des cours de cette matière première, de façon assez logique. En conclusion, si un soulagement intervient à court terme, le futur reste tout de même incertain.