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Peut-on effacer la dette d’un coup de baguette magique ?

Publié le 17/06/2020 12:05

Quel paradoxe, tout de même ! Il a suffi d’un virus pour que les gouvernements changent complètement de logiciel. Ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui. Les principes qui dictaient les politiques publiques – réduire les déficits, chasser les gaspillages – ont disparu comme par enchantement. 

Terminées, les cures d’austérité ! Oubliées, les économies de bouts de chandelle. C’est par trillions que l’argent a été trouvé. Et la dette, qui ne fait qu’enfler, ne préoccupe plus grand-monde. 

Après nous avoir seriné depuis des années qu’il fallait faire des économies partout où c’était possible – quitte à raboter des secteurs aussi indispensables que celui des soins de santé – il a suffi d’un virus pour que les responsables abandonnent leurs beaux principes. “Tout sera mis en oeuvre pour protéger nos salariés et nos entreprises… Quoi qu’il en coûte” a déclaré Emmanuel Macron dans sa déclaration de guerre du 12 mars. “Whatever it takes”, a répété Rishi Sunak, le chancelier de l’Echiquier du gouvernement Boris Johnson. “Balancez tout l’argent que vous pouvez” s’est écrié José Angel Gurria le secrétaire général de l’OCDE, comme s’il s’agissait d’éteindre un incendie.  

Une dette qui explose sur tous les fronts 

Trois mois plus tard, l’incendie a été provisoirement maîtrisé mais l’ardoise sera particulièrement salée. La crise va plomber les budgets des économies développées de 17 trillions supplémentaires. Et elle creusera encore plus le gouffre de la dette, laquelle représentera 120% du PIB des pays riches.  

Rien qu’aux Etats-Unis, le déficit atteindra 3,8 trillions en 2020, soit 18,7% du PIB américain. La dette américaine (25 trillions) représentera 100% du PIB en 2020 et 107% en 2021. La seule fois où les Etats-Unis avaient connu un ratio dette/PIB aussi important remonte au lendemain de la deuxième guerre mondiale, une période marquée par les restrictions de l’après-guerre et l’effort de reconstruction.  

Avec une dette moyenne en hausse de 16% cette année, l’Europe n’est pas mieux lotie. Tous les pays de l’eurozone frappés par la pandémie ont laissé filer leur déficit. Même la riche Allemagne a dû renoncer à maintenir son équilibre budgétaire. Fin 2020, la dette d’un pays fragilisé comme l’Italie représentera 158% de son PIB. Le déficit de la France atteindra 220 milliards soit 11,4% de son PIB et sa dette atteindra 115%. Quant à la Belgique, qui n’a toujours pas de gouvernement habilité à prendre des décisions économiques, elle devra trouver entre 43 et 50 milliards pour financer son budget. Il y a quelques mois, on se demandait comment le gouvernement allait faire pour combler un trou de 10 milliards. Maintenant, il est quatre à cinq fois plus grand.

Emprunter tant que l’argent n’est pas cher 

Même si chacun s’accorde à dire qu’il fallait frapper vite et fort pour sauver les économies, il n’en reste pas moins que les montants mobilisés sont colossaux et défient l’imagination. Mais le plus curieux, c’est que ceux-là mêmes qui invoquaient le poids de la dette pour effectuer des coupes sombres dans les dépenses publiques et les programmes sociaux n’ont pas l’air de s’inquiéter outre mesure maintenant que la dette a enflé de 20 ou 25%.  

Bien sûr, ils ont des arguments à faire valoir. Emprunter aujourd’hui ne coûte pas cher. Les gouvernements empruntent à taux zéro - voire même à taux négatif dans le cas de l’Allemagne - et ils n’ont rien ou pas grand-chose à rembourser sinon le capital. Lorsqu’un emprunt arrive à son terme, il leur suffit d’émettre un nouvel emprunt pour rembourser celui qui est échu, une technique financière appelée roll-over. L’emprunt est en quelque sorte à roulement perpétuel et les Etats n’ont rien à débourser. Autre avantage, l’emprunt est émis dans la devise du pays, par conséquent, celui-ci est prémuni contre le risque de change. Et dans le cas du Japon et dans une certaine mesure, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, la dette est majoritairement détenue par les citoyens du pays émetteur.  

Les Etats creusent la dette, les banques centrales la rachètent 

Mais la raison principale pour laquelle ces montagnes de nouvelles créances semblent – en tout cas provisoirement – incolores et indolores tient au fait que les banques centrales sont intervenues massivement pour acheter les titres de dettes souveraines via le mécanisme de l’assouplissement quantitatif. Une partie importante de la dette des Etats a été transférée à leur banque centrale. Par exemple, la Banque de France – qui détient 20% du capital de la BCE - possède 25% des obligations d’Etat françaises. La Bundesbank détient, elle, 30% des Bunds. Ces achats ont permis de maintenir les taux à la baisse et de réduire les écarts entre les taux des pays de l’eurozone.  

Cette situation a donné des idées à certains. Dès lors que la Banque de France, émanation de l’Etat français, possède des créances de l’Etat français, pourquoi ne pas annuler cette dette d’un simple trait de plume ? C’est en tout cas la demande pressante formulée par un certain nombre d’économistes et de personnalités françaises et pas seulement à gauche. Un libéral comme Alain Minc est également en faveur de cette initiative. Aurait-on trouvé le moyen de transformer le vil plomb en or grâce à une simple astuce comptable ?  

Pour ou contre l’annulation de la dette ? 

Pour François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, c’est non. Il n’est pas question d’annuler la part de la dette publique inscrite au bilan de la banque centrale. En effet, le traité de Maastricht interdit à toute banque centrale de financer directement les déficits publics et qui plus est, en faisant tourner la planche à billets. “L’annulation de dette signifierait le financement monétaire des déficits, dont l’interdiction est un pilier fondamental de l’accord de création de l’euro. Plus encore il convient de dénouer le mythe de la monnaie magique. Il n’y a pas de “déjeuner gratuit””.  

“Faux”, répondent les partisans de l’annulation de la dette. Il n’y a nullement ici de “mystification” ou de “tour de magie monétaire”. “Si la banque centrale annule une créance qu’elle détient, aucun fardeau n’est transféré sur quiconque puisque son passif n’est exigible par personne” (“Le Monde” du 26 mai). C’est juste une opération comptable et personne n’est lésé dans l’affaire.  

Le débat sur une éventuelle annulation des dettes ne fait que commencer mais il n’est pas sûr que ces discussions soient du goût de tout le monde. Plus les banques centrales auront tendance à outrepasser leur rôle traditionnel de stabilisateur monétaire, plus elles se verront rappelées à l’ordre par les tenants d’une orthodoxie stricte. C’est surtout vrai au sein de la zone euro où chaque pays continue de défendre ses intérêts.  

En Allemagne, un groupe de souverainistes proches de l’extrême-droite a porté plainte auprès de la Cour constitutionnelle contre la Bundesbank au motif que celle-ci aurait violé l’interdiction de financement direct des Etats. Le “Pandemic Emergency Purchase Programme” (PEPP) récemment adopté pourrait également se retrouver en ligne de mire car la BCE a déclaré explicitement qu’elle ne tiendrait pas compte de la règle qui veut que la banque centrale ne détienne pas plus de 33% de toute émission d’obligations souveraines. Autres griefs possibles, la BCE n’a pas tenu compte de la clé de répartition en surpondérant les achats de dette italienne et la Grèce, qui était inéligible à cause de sa notation insuffisante, a obtenu une dérogation. Si les souverainistes allemands finissaient par avoir gain de cause, la Bundesbank ne pourrait plus acquérir des obligations allemandes, ce qui porterait un coup sérieux sinon fatal à la cohésion de la BCE et à l’euro.  

Sortir du piège de la dette 

Il est peu probable que les dettes souveraines seront résorbées un jour car même dans l’éventualité d’un retour de la croissance, celle-ci ne sera pas assez dynamique pour dégager des recettes suffisantes. Ces dix dernières années, la croissance moyenne aux Etats-Unis a été d’un peu plus de 2% et de 1,5% en Europe. C’est insuffisant. Par ailleurs, aucun gouvernement ne prendra le risque d’augmenter les impôts alors que l’urgence est à la relance de la consommation et que la pression fiscale est déjà à son maximum. 

Non seulement on ne sortira pas de la spirale de la dette mais chaque crise majeure nous y précipite encore davantage. On a le sentiment que la tendance à l’endettement est irréversible qu’à chaque crise, le mouvement s’accélère. La dette globale, publique et privée, s’élève désormais à 300 trillions de dollars. Rien que les créances dues aux banques par les étudiants américains représentent 1,7 trillions de dollars, soit trois fois le budget de la Belgique. Jamais le monde n’a autant vécu à crédit.  Un tel niveau d’endettement est-il soutenable ? C’est peu probable.  

Qu’on le veuille ou non, le fantôme de la dette reviendra nous hanter régulièrement. Pour l’heure, on fait comme si l’argent tombait du ciel. On se persuade que l’argent n’est qu’un moyen au service d’objectifs plus nobles : éviter le chaos, faire redémarrer l’économie, maintenir l’emploi, rester en bonne santé. Mais dès que la peur de la pandémie retombera et que les économies retrouveront un semblant de normalité, la question de la dette reviendra sur le tapis.  

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