Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le mois de février va s’achever au plus haut, à l’issue de la plus formidable poussée haussière jamais enregistrée depuis 1987.
J’ai consacré une bonne partie de ma dernière lettre mensuelle (si vous souhaitez connaître tout le détail de mon analyse, cliquez ici) à démontrer que les marchés actions succombent à un mouvement perpétuel algorithmique et qui est lié au fait que les banques centrales sont – sans doute définitivement – prisonnières du piège de la dette.
Elles ont pourtant consenti des efforts démesurés depuis deux ou trois ans pour laisser croire qu’après la mise en place de mesures exceptionnelles puis « extraordinaires » (comme les « OMO », « Open Market Operations », pour la FED ou les « TLTRO » pour la BCE), il était possible de revenir à une forme de normalité.
Vous savez à quel point ce simulacre de normalisation nous a fourni matière à de multiples sarcasmes, mais tant qu’il y avait des (riches et influents) naïfs pour y croire, ou des marchés faisant mine d’y croire, nous prêchions un peu dans le désert.
Eh bien, en ce jeudi 28 février, nous sommes fiers de pouvoir affirmer – sans risque d’être dorénavant contredits – que vous pouvez oublier toutes ces fadaises concernant la « normalisation » et autre retour à des stratégies orthodoxes par les banques centrales : cela n’arrivera pas !
L’issue du Brexit reste impossible à déterminer
C’est Jerome Powell lui-même qui l’a confirmé devant la commission financière du Congrès en annonçant une modification du programme de réduction graduelle du bilan de la Réserve fédérale américaine. Au vu des projections macroéconomiques, celui-ci sera fortement réduit, voire arrêté.
Selon les dires du président de la FED, un retour aux niveaux d’encours de l’avant-crise n’est désormais « pas possible ». C’est officiel.
D’aucuns pourraient se demander si l’institution a aujourd’hui une stratégie. Pour ma part, j’en doute fortement, voyant dans ce renoncement l’aveu d’une navigation à vue et d’une obéissance aux injonctions des marchés. Jerome Powell a du reste reconnu que ses collègues et lui demeuraient « data dependent » et attentifs à l’évolution des marchés, c’est-à-dire enclins à sortir la seringue à liquidités au cas où Wall Street se plaindrait de douleurs liées à une déshydratation passagère.
La FED ne sait donc pas où elle va, mais elle n’est pas la seule : l’autre grand questionnement des investisseurs, c’est la trajectoire que prend le Brexit, mais quelle trajectoire ? Plus personne n’en sait rien !
Theresa May va proposer un vote le 13 mars pour ou contre un « no deal ». En cas de refus de celui-ci, un autre scrutin sera organisé pour repousser le Brexit de deux ans, soit à horizon 2021… cinq ans après le référendum.
De leur côté, les travaillistes de Jeremy Corbyn ne sont plus hostiles à revoter sur le Brexit lui-même dans la mesure où le règlement de la question de la frontière irlandaise semble insoluble.
Mais malgré tout ce qui précède, les indices boursiers continuent, imperturbables, de pousser à la hausse, comme si le réel n’avait plus aucune emprise.
Le Nasdaq a ainsi aligné mercredi une onzième séance de hausse sur une série de treize, et a de surcroît inscrit son second meilleur score intraday de l’année 2019.
En clôture, le future du S&P500 affichait par ailleurs un gain de 0,15% à 2 795 points, soit une progression de 10% sur le seul mois de février et une 36ème séance au-dessus de sa moyenne mobile à dix jours (huit semaines, incluant les jours fériés). Il s’agit du plus long épisode de ce type depuis 2009 (43 séances, soit huit semaines et demi).
Ainsi les marchés semblent-ils refléter l’exécution d’un programme tout droit sorti de la quatrième dimension.
Car oui, il s’agit bel et bien d’un programme : celui qui consiste pour les entreprises cotées à racheter 840 Mds$ de leurs propres titres d’ici fin 2019 (70 Mds$ par mois), en déconnexion quasi-systématique avec les fondamentaux et avec comme seule origine des motifs fiscaux.