Le chômage en Espagne est reparti à la hausse au troisième trimestre, à 21,52%, son plus haut niveau depuis fin 1996, un résultat catastrophique pour le gouvernement socialiste à trois semaines des élections législatives.
La barre symbolique des cinq millions de chômeurs n'est plus très loin, avec 4,978 millions de sans-emploi fin septembre, contre 4,83 millions à la fin juin (20,89%).
L'Espagne continue de détenir le triste record dans ce domaine parmi les pays industrialisés.
Et il semble désormais impossible que le gouvernement atteigne son objectif d'un chômage à 19,8% fin 2011. Le Fonds monétaire international (FMI) table lui sur 20,7%.
Pour les socialistes au pouvoir, "c'est une très mauvaise nouvelle", estime Juan Carlos Martinez Lazaro, économiste à l'IE Business School de Madrid.
"Avant l'été, on spéculait sur de possibles élections anticipées en novembre parce qu'on pouvait espérer de bons chiffres du chômage, ce qui aurait été un facteur important" pour le gouvernement sortant, raconte-t-il.
Ce trimestre est généralement une bonne période pour l'emploi car il inclut la saison touristique estivale, qui en outre, cette année, a été excellente.
Au final, les élections ont bien été avancées au 20 novembre, mais les chiffres ont été "tout le contraire, ce qui confirme la détérioration de l'économie espagnole", selon l'économiste, à l'inverse du discours optimiste tenu par le gouvernement.
"Quand, au troisième trimestre, le chômage augmente, cela veut dire que la situation est très grave, et les perspectives pour la fin de l'année sont encore pires, parce que le dernier trimestre est (généralement) plus mauvais que le troisième", renchérit Sandalio Gomez, de l'IESE Business School.
La bataille pour l'emploi est au centre de la campagne pour ces élections, alors que le chômage record, mais aussi les mesures d'austérité face à la crise, ont valu aux socialistes de chuter dans les sondages face à la droite.
Cette politique de rigueur a eu un coût, a souligné vendredi le ministre du Travail Valeriano Gomez.
"Il y a eu 40.200 emplois publics en moins ce trimestre, alors qu'au même trimestre de l'an dernier, 39.200 avaient été créés et 50.700 au troisième trimestre 2009", a-t-il dit.
Il s'était déjà produit des hausses du chômage au troisième trimestre, mais "jamais avec une telle intensité", a-t-il reconnu, annonçant de nouvelles mesures pour favoriser les stages pour les jeunes diplômés et stimuler l'emploi chez les plus de 55 ans.
Certains chiffres sont alarmants: presque un jeune de 16 à 24 ans sur deux (45,8%) est au chômage. En Andalousie (sud), près d'un habitant sur trois (30,9%) n'a pas de travail.
"Le plus préoccupant, c'est le nombre de foyers dont tous les membres sont au chômage (1,43 million, ndlr), c'est très dangereux" car "cela peut avoir des effets importants sur la stabilité sociale", note M. Martinez Lazaro.
Le pays a vécu ces derniers mois un vaste mouvement de protestation sociale, de dizaines de milliers d'"indignés", imité dans plusieurs pays dans le monde.
Critiqué par le FMI et les agences de notation, le fort chômage espagnol a encore valu cette semaine au gouvernement des remontrances.
"Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour augmenter la croissance de façon à réduire le niveau inacceptable du chômage", ont affirmé jeudi à Bruxelles les dirigeants de la zone euro.
Alors que l'éclatement de la bulle immobilière fin 2008 a mis au chômage beaucoup d'Espagnols, se pose la question de la reconversion de ces salariés, souvent peu qualifiés.
"Quand la crise a commencé, l'Espagne avait 1,8 million de chômeurs environ, ce sont donc 3,2 millions de personnes supplémentaires en quatre ans, et absorber cette masse va prendre du temps", souligne M. Martinez Lazaro, surtout que le pays devrait, selon les économistes, croître faiblement en 2011 et 2012.