PARIS (Reuters) - La ministre de l'Energie, Ségolène Royal, a déclaré dimanche qu'elle était prête à donner son feu vert au prolongement de dix ans de la vie des centrales nucléaires françaises, sous réserve d'un avis positif de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN).
A la question de savoir si elle accéderait à la demande d'EDF (PA:EDF) de porter la durée de vie de ses réacteurs de 40 à 50 ans, elle a répondu : "Oui, je suis prête à donner ce feu vert, sous réserve bien évidemment de l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire".
"Pourquoi ? Parce que les Français ont beaucoup investi pendant des années sur les réacteurs nucléaires", a-t-elle dit sur France 3.
"Si l'Autorité de sûreté nucléaire donne son feu vert, oui, je donnerai l'autorisation de prolongation de dix ans de centrales, qui sont déjà amorties donc qui produiront une électricité à meilleur marché".
Cette prolongation, a insisté Ségolène Royal, s'inscrirait dans le cadre de la loi sur la transition énergétique adoptée l'an dernier et qui prévoit de réduire la part du nucléaire de 75% à 50% dans la production d'électricité à horizon 2025.
Le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, avait annoncé mi-février que l'État avait donné son accord pour que son groupe modernise "le parc actuel de façon à ce que la durée de vie qui a été conçue pour 40 ans, [soit montée] à 50 et 60 ans, sous réserve que la sécurité nucléaire soit garantie".
L'enjeu financier est considérable pour le groupe français dans la mesure où un amortissement de ses centrales françaises sur une durée plus longue que 40 ans aurait mécaniquement pour effet d'améliorer ses comptes.
Dans son rapport annuel publié début février, la Cour des comptes a estimé que la loi sur la transition énergétique risquait d'obliger EDF à fermer un tiers de ses 58 réacteurs nucléaires français à l'horizon 2025.
EELV DÉNONCE UNE "CONCESSION" AU LOBBY DU NUCLÉAIRE
"J'apprends que Ségolène Royal met à mort la loi de transition énergétique en prolongeant les centrales nucléaires de dix ans. L'écologie, c'est fini", a rapidement réagi sur son compte Twitter le secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), David Cormand.
Dans un communiqué publié peu de temps après, le parti écologiste dénonce une "nouvelle concession au lobby du nucléaire".
"Le nucléaire est, rappelons le, une énergie dangereuse, elle est désormais de surcroît une énergie chère et périmée, dont la France est désormais otage faute d'avoir pris le tournant du solaire et de l'éolien", écrit EELV.
"L'aveuglement du gouvernement est patent : au vu de la vétusté des centrales nucléaires, leur prolongation et mise aux normes représenteraient une immense gabegie financière et menaceraient clairement la santé et la survie d'une entreprise comme EDF."
Contacté par Reuters, le directeur de l'Observatoire du nucléaire, Stéphane Lhomme, a exprimé ses doutes quant à la capacité d'EDF à financer la rénovation de ses réacteurs.
"La réalité c'est que l'état des réacteurs nucléaires est de plus en plus dégradé et qu'EDF est au bord de la faillite dans le sillage d'Areva", a-t-il dit. "EDF ne va pas avoir les moyens de rénover les 58 réacteurs et les dirigeants vont devoir se résoudre à fermer un certain nombre de réacteurs pour ces raisons."
(Marine Pennetier, avec Claude Canellas à Bordeaux, édité par Marc Angrand)