par John Davison et Laila Bassam
DAMAS (Reuters) - Les Syriens sont appelés aux urnes mercredi dans les seules zones où l'autorité de Damas s'exerce encore pour des législatives en forme de défi aux opposants de Bachar al Assad.
Le scrutin, qui coïncide avec la reprise à Genève des négociations menées sous l'égide de l'Onu, a lieu conformément aux calendrier fixé par la Constitution, souligne l'administration syrienne. Pour l'opposition, cette consultation illégitime ne fera qu'ajouter aux obstacles qui se dressent déjà en travers du processus de paix.
"Nous votons pour le bien du peuple syrien et pour le bien d'Assad. Assad est déjà en position de force, mais ces élections montrent que le peuple l'approuve et le soutient", assure un étudiant interrogé dans le bureau de vote installé dans une université de Damas.
La consultation ne concerne évidemment pas les zones tenues par les djihadistes de l'Etat islamique ou du front Al Nosra, ni celles aux mains des puissantes milices kurdes, ce qui la limite au tiers du territoire national. L'essentiel se trouve dans l'Ouest où vivent la majorité des Syriens qui n'ont pas fuit le conflit. En cinq ans, 4,8 millions ont trouvé refuge à l'étranger et 250.000 ont été tués, selon l'Onu.
Des législatives avaient déjà eu lieu en 2012, un an après le début de la guerre civile, et Bachar al Assad a par ailleurs été réélu en 2014. Les électeurs sont invités mercredi à attribuer les 250 sièges d'une Assemblée du peuple qui n'a pas de réels pouvoirs. "Voter renforce votre ténacité", dit le slogan retenu pour l'occasion.
PARIS ET LONDRES CONTESTENT, MOSCOU JUSTIFIE
A Genève, les membres du Haut Comité des négociations (HCN) mis sur pied par l'opposition doivent reprendre dans la journée leurs discussions avec Staffan de Mistura, l'émissaire de l'Onu. La délégation gouvernementale n'est quant à elle attendue que vendredi en Suisse.
"Ces élections ne signifient rien. Elles sont illégitimes (...) C'est une mascarade à travers laquelle le régime cherche à s'octroyer un tant soi peu de légitimité", s'est indigné Asaad al Zoubi, négociateur en chef du HCN.
A l'étranger, Paris a également dénoncé un "simulacre d'élections".
Pour le ministère français des Affaires étrangères, ces législatives "se tiennent sans vraie campagne électorale, sous l'égide d'un régime d'oppression et sans observation internationale. Seuls sont appelés aux urnes les résidents d'une partie réduite du territoire, excluant des millions de Syriens déplacés ou réfugiés à l'étranger".
L'organisation de ces élections "montre à quel point (le régime) est déconnecté de la réalité", a par ailleurs estimé le gouvernement britannique.
Selon le ministre russe des Affaires étrangères, en revanche, "les législatives organisées ce mercredi en Syrie ont pour but d'éviter un vide politique avant la tenue d'un nouveau scrutin régi par une nouvelle constitution".
"Les Syriens vont devoir s'entendre sur une nouvelle constitution, sur la façon dont ils voient les structures nécessaires à une transition sans accroc vers un nouveau système", a poursuivi Sergueï Lavrov lors d'un point de presse.
(Avec Suleiman al-Khalidi à Amman, Tom Perry et Angus McDowall à Beyrouth, John Irish à Paris; Jean-Philippe Lefief pour le service français)