La justice allemande dira finalement mardi si elle juge légal le dispositif anti-crise de la BCE, au seuil d'une semaine très chargée pour l'institution monétaire européenne, entre lancement d'une nouvelle série de prêts géants aux banques et référendum britannique.
Saisie en 2013 par des citoyens et des responsables politiques hostiles à l'action de la banque centrale, la Cour constitutionnelle basée à Karlsruhe (sud) fera savoir à 08H00 GMT si elle juge ce dispositif conforme à la loi fondamentale allemande.
L'objet du litige? L'OMT (Outright Monetary Transactions), un programme de la BCE destiné à racheter des obligations d'Etats en difficultés en quantité illimitée sur le marché. Jamais utilisé à ce jour, il avait été adopté en septembre 2012, au moment où la crise des dettes publiques faisait vaciller plusieurs pays de la zone euro.
La décision du tribunal est très attendue. La banque centrale est depuis passée à la vitesse supérieure. Pour faire repartir les prix en zone euro, elle rachète en masse depuis mars 2015 des titres de dette d'Etats européens dans le cadre d'un autre programme, baptisé "QE". Depuis le début du mois ses rachats portent aussi sur les obligations d'entreprises.
- Feu vert européen -
Dans un premier avis en février 2014, la Cour de Karlsruhe avait penché du côté des plaignants, estimant qu'avec l'OMT la BCE outrepassait probablement son mandat. Celui-ci porte sur le maintien de la stabilité des prix en zone euro. Il lui est strictement interdit de financer directement les Etats.
Avant de se prononcer définitivement, les juges suprêmes allemands ont requis l'avis de la justice européenne. Celle-ci a conforté la BCE dans son action et jugé l'OMT conforme à son mandat.
Un jugement négatif de la Cour allemande mercredi "interdirait à la Bundesbank de participer au programme et affaiblirait la crédibilité du programme et attiserait très certainement la défiance des Allemands vis-à-vis de la" banque centrale, estime Johannes Gareis, analyste chez Natixis.
Une telle décision ne mettrait certes pas en péril le QE, dont les modalités sont très différentes de celles de l'OMT, mais "rendrait toutefois plus difficile pour la BCE d'étendre à l'avenir ses achats de dettes", ajoute Michael Schubert, analyste chez Commerzbank (DE:CBKG).
La Bundesbank, banque centrale allemande, est l'un des fers de lance des différents programmes de rachat de dette de l'institution européenne, dont l'exécution est confiée aux banques centrales nationales.
La justice allemande va toutefois "probablement vouloir éviter un conflit juridique" avec la justice européenne, anticipe M. Schubert.
Pour son confrère Andreas Rees, de UniCredit, il faut s'attendre à ce que les juges de Karlsruhe acceptent le jugement de la Cour européenne, tout en exigeant du Parlement et du gouvernement qu'ils passent des provisions dans le budget allemand en cas de pertes via l'OMT.
- Prêts géants et Brexit -
La décision de Karlsruhe sera le premier rendez-vous d'une semaine très chargée pour la BCE, qui doit lancer mercredi le premier d'une série de quatre prêts bancaires géants et très avantageux pour les banques européennes. Cette série, baptisée "TLTRO II", est la deuxième édition réalisée par la BCE depuis l'an dernier.
Elle fait partie du dispositif déployé par la banque centrale pour faire repartir les prix dans la zone euro, aux côtés de taux directeurs très bas - le principal est à zéro - et des achats de dette.
Par ailleurs, le référendum britannique jeudi sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne pourrait mettre l'institution à l'épreuve. Elle se prépare à de possibles turbulences dans le secteur bancaire et sur les marchés. Le résultat du scrutin sera connu vendredi matin.
L'institution monétaire européenne agira "en utilisant tous les instruments à sa disposition" en cas de matérialisation des risques pour la stabilité des prix, parmi lesquels un Brexit figure en bonne place, a-t-elle fait savoir la semaine dernière.
Un de ces instruments pourrait être une intervention concertée avec les autres grandes banques centrales mondiales, sous forme d'injections de liquidités, par exemple en dollars ou en livres sterling.