Il y a près d'un an, la duperie de Volkswagen (DE:VOWG_p) sur des millions de véhicules diesel éclatait au grand jour, plongeant le mastodonte allemand dans la plus grave crise de son histoire.
Depuis septembre 2015, les rebondissements sont multiples.
Nouvelle illustration vendredi. A deux jours de la date anniversaire du "dieselgate", l'Etat régional allemand de Hesse (ouest) et du Bade-Wurtemberg (sud-ouest) ont annoncé leur décision de porter plainte contre Volkswagen, comme l'a déjà fait la Bavière (sud). Ils reprochent au groupe d'avoir manqué à ses obligations de publication d'informations.
Pour le même motif, le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, l'américain Blackrock, a décidé de se joindre à d'autres investisseurs pour poursuivre en justice Volkswagen. Dans une déclaration obtenue par l'AFP, Blackrock l'accuse de "manquements dans la divulgation aux investisseurs de l'utilisation de +dispositifs truqueurs+ pour manipuler les tests d'émissions" polluantes.
Les plaignants réclament deux milliards d'euros de dédommagement, selon la presse. La plainte, qui rassemble environ 160 investisseurs, a été déposée vendredi, a confirmé à l'AFP un porte-parole du Tribunal de Brunswick (nord de l'Allemagne), sans vouloir chiffrer son montant.
Champion européen de l'automobile avec ses douze marques (Volkswagen, Audi, Porsche, Seat, etc), ses 200 milliards de chiffre d'affaires annuel et ses quelque 600.000 employés dans le monde, Volkswagen jouissait d'une solide réputation.
- Démission -
C'était avant les révélations des autorités américaines, le 18 septembre 2015, en plein salon de l'automobile de Francfort. Le 22 septembre, le constructeur admet avoir installé sur 11 millions de véhicules diesel dans le monde un logiciel destiné à tromper les tests d'homologation en réduisant temporairement les émissions polluantes.
Le patron de Volkswagen Martin Winterkorn démissionne, en jurant n'avoir jamais rien su, laissant sa place à Matthias Müller, alors patron de la marque Porsche.
Le "dieselgate" provoque une avalanche de demandes de dédommagement des autorités, clients et investisseurs. Pour y faire face, Volkswagen met de côté 18 milliards d'euros, dont plus de 16 milliards en 2015, ce qui lui vaut sa première perte annuelle en plus de vingt ans.
A la Bourse de Francfort, l'action affiche toujours une chute de 25% par rapport à son niveau d'avant-crise.
Les ventes mondiales du groupe ne se sont pas effondrées, mais Volkswagen a perdu du terrain face à ses concurrents.
"Le scandale est loin d'être fini pour Volkswagen", observe Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Centre de recherche automobile CAR.
Australie, Espagne, France, Italie, Corée du Sud... La liste des pays où Volkswagen fait l'objet de litiges juridiques est longue.
Aux Etats-Unis, l'allemand a accepté de verser environ 15 milliards de dollars, ce qui lui permettra notamment d'indemniser généreusement les propriétaires de 480.000 voitures. Mais il fait encore l'objet d'une enquête pénale et n'a pas apporté de solution pour tous les véhicules truqués.
En Allemagne, la justice enquête sur les responsabilités de 30 personnes, dont Martin Winterkorn. Déjà près de 400 plaintes d'investisseurs, d'un montant d'environ 4 milliards d'euros, visent Volkswagen dans le pays.
- "Tournant pour le diesel" -
A l'échelle européenne, la grogne monte contre l'inégalité de traitement entre consommateurs américains et européens. Volkswagen refuse d’indemniser ces derniers, se contentant de procéder au rappel de 8,5 millions de véhicules pour une mise aux normes.
La facture totale pour le groupe pourrait être de 25 à 35 milliards d'euros et obliger Volkswagen à remettre au pot.
Le scandale constitue toutefois une "chance pour Volkswagen", assure M. Dudenhöffer. Le groupe en a profité pour adopter une nouvelle stratégie, axée sur le développement de l'électrique, des services et de la voiture autonome.
La tricherie a aussi eu des effets sur l'industrie entière, des investigations montrant que les moteurs diesel d'autres constructeurs émettaient également davantage sur les routes que lors des tests, sans preuve de l'utilisation d'un logiciel fraudeur.
Selon Stefan Bratzel, spécialiste automobile de l'institut CAM, le scandale a marqué un "tournant pour le diesel" en mettant en lumière les failles existantes dans la réglementation européenne sur les émissions polluantes, qui va être durcie.
Les constructeurs devront se soumettre à partir de septembre 2017 à des tests de leurs véhicules en conditions réelles, et plus seulement en laboratoire.
Cela va les contraindre à investir massivement dans des systèmes de dépollution plus performants et conduire à une raréfaction des motorisations diesel en Europe, sans doute au profit de l'électrique.