PARIS (Reuters) - La commission d'enquête du Sénat a rendu jeudi un rapport très critique concernant la gestion de l'épidémie de coronavirus par les autorités françaises en mettant notamment en cause la responsabilité de la direction générale de la Santé (DGS) et de son directeur général, Jérôme Salomon, dans le "fiasco" des masques.
Les sénateurs accusent en particulier la DGS d'avoir fait le choix en 2018 de ne conserver qu'une très faible quantité de masques en stock, sans en informer la ministre de la Santé de l'époque, Agnès Buzyn, et d'avoir modifié un rapport scientifique a posteriori pour justifier cette décision.
Dans la version initiale de ce rapport scientifique, les experts préconisaient que le stock de masques atteigne un milliard d'unités, ce qui invalidait directement la décision prise en octobre 2018 par la DGS de ne conserver qu'une centaine de millions de masques chirurgicaux en stock, fait valoir la commission d'enquête sénatoriale.
"Or la version rendue publique en 2019 permet soudainement de (...) justifier" cette décision, observent les sénateurs dans leur rapport d'enquête.
"En réalité, l'analyse de courriels échangés entre la direction générale de la santé et Santé publique France atteste d’une pression directe de M. Salomon sur l’agence afin qu’elle modifie la formulation des recommandations de ce rapport avant sa publication au grand public", révèle la commission d'enquête du Sénat.
Dans un communiqué, la DGS affirme qu'"aucune pression n’a été exercée sur le groupe d’experts" et que les "modifications aux rapports (...) ont été acceptées par l’ensemble des contributeurs du rapport" à la suite d'échanges "dans le cadre de l’exercice normal de la tutelle" entre elle-même et Santé Publique France.
Elle souligne en outre que Jérôme Salomon "a lui-même fourni l’ensemble des échanges de mails" à la commission d'enquête du Sénat dans "une volonté totale de transparence".
Globalement, les sénateurs estiment que "le fiasco des masques a été sciemment dissimulé par le gouvernement durant la crise", critiquant des "arrangements avec la vérité" face aux citoyens et au Parlement.
"Contrairement aux déclarations publiques des responsables sanitaires, la France a bel et bien subi une pénurie d’EPI (équipement de protection individuel)", affirme le rapport de la commission d'enquête du Sénat.
Publié début décembre, le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la crise du coronavirus en France a dressé un constat tout aussi sévère sur la gestion "chaotique" de la crise sanitaire par le gouvernement, marquée par une "succession d'impréparations, de pesanteurs et sans doute d'hésitations".
(Blandine Hénault, édité par Jean-Stéphane Brosse et Bertrand Boucey)