Le Sénat a adopté dans la nuit de jeudi à vendredi le projet de loi de Benoît Hamon sur l'économie sociale et solidaire (ESS), dont l'ambition est de donner la possibilité à ce secteur de créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
Le texte a fait le plein des voix de gauche alors que la droite, UMP et centristes, a voté contre.
Il définit pour la première fois le périmètre de ce secteur qui regroupe environ 200.000 entreprises (associations, mutuelles, coopératives) conciliant activité économique et utilité sociale.
Il crée également un droit d'information préalable des salariés en cas de cession et qui a été critiqué par le patronat.
"La reconnaissance légale de l'ESS est la première brique sur laquelle reposent les ambitions économiques de la loi", a souligné Benoît Hamon. "Ce premier acte autorise le déploiement des outils de financement de BPI-France pour financer la croissance de PME et d'organismes de l'ESS", a-t-il ajouté, estimant que l'économie sociale et solidaire était au coeur de ces stratégies d'innovation en réponse à la crise.
Les entreprises et organismes du secteur devront justifier de la poursuite d'un but d'utilité sociale, d'une gouvernance démocratique ou participative définie par des statuts, et d'une gestion dont le but est une lucrativité limitée ou encadrée.
Les entreprises concernées bénéficieront d'une reconnaissance et des moyens de se développer, avec un accès au financement facilité. Elles pourront se tourner vers la banque publique d'investissement (BPI), qui doit flécher vers ce secteur quelque 500 millions d'euros de crédits. Le gouvernement en attend la création de 100.000 emplois.
Par ailleurs, soulignant que "chaque année, au moins 50.000 emplois disparaissent dans des entreprises saines au sein desquelles la succession du chef d'entreprise n'a pas été préparée, ou pour lesquelles aucun repreneur ne s'est manifesté", M. Hamon a souligné la détermination du gouvernement à permettre à des salariés de proposer une offre de reprise de leur entreprise.
"Un droit nouveau"
Parmi les mesures pour faciliter la transmission d'entreprises aux salariés figure l'information aux salariés. "Ce sera un droit nouveau qui sera effectif pour tous les salariés d'entreprises de moins de 250 salariés", a souligné M. Hamon. "Ils seront désormais informés de la volonté de céder du chef d'entreprise au plus tard deux mois avant la cession", a-t-il précisé, estimant que "cette création constitue une avancée importante qui s'inscrit dans la continuité des lois Auroux".
"Nous voulons mieux accompagner les chefs d'entreprises dans le processus de transmission. Je regrette que les organisations patronales ne saisissent pas cette main tendue", a ajouté le ministre en référence à leur opposition à cette mesure.
"Sans cet article, nous aurions été bienveillants à l'égard de ce projet de loi", a attaqué d'emblée Elisabeth Lamure (UMP). Elle a principalement critiqué le droit d'information préalable des salariés sur leurs possibilités de reprise, estimant "l'information nuisible lorsqu'elle ne sera pas inutile".
Pour Henri Tandonnet (UDI-UC), "le droit à l'information, loin de rassurer, peut créer un climat anxiogène dans l'entreprise. Et le délai de deux mois incompressible qui l'accompagne "multiplie les risques de divulgation, ce qui pourrait déstabiliser l'entreprise".
"Considérer les salariés comme trop immatures pour savoir tenir leur langue, leur refuser une information qui les concerne au premier chef, cela me trouble profondément", leur a répondu le rapporteur Marc Daunis (PS). "Je sais quels problèmes pose la transmission des entreprises et des savoir-faire", a-t-il poursuivi: "Il faut favoriser la transmission d'entreprises, pour empêcher que 50.000 emplois ne disparaissent chaque année".
Le texte, qui a entamé son parcours parlementaire au Sénat, devrait être examiné par l'Assemblée nationale après les municipales.