Christiane Lambert, éleveuse dans le Maine-et-Loire, est officiellement devenue jeudi la première femme présidente de la FNSEA, succédant à Xavier Beulin à la tête du premier syndicat agricole français, dans une période troublée pour les agriculteurs.
"Nous avons une pensée pour Xavier Beulin", a déclaré la nouvelle présidente lors d'une conférence de presse jeudi, en évoquant "ce que nous avions engagé avec lui et que nous allons poursuivre", c'est-à-dire "redonner des perspectives à l'agriculture" et "sortir d'une approche manichéenne alors que l'agriculture est souvent trop traitée sous l'angle d'un courant de société et pas comme un grand secteur économique".
Mme Lambert, jusqu'ici vice-présidente du syndicat, assurait l'intérim à la tête de la FNSEA depuis le décès en février de Xavier Beulin, qui en était le dirigeant depuis 2010. Elle était la seule candidate à sa succession.
Xavier Beulin était un homme d'influence et de réseaux, patron d'un grand groupe agro-industriel, quand Christiane Lambert, qui a monté un à un tous les échelons du syndicat des Jeunes agriculteurs puis de la FNSEA, s'attache aux thèmes sociétaux comme l'environnement ou le bien-être animal, sujets jusqu'ici plutôt mal vus chez les membres du syndicat.
"Historiquement, l'écologie a été un punching ball, une manière de resserrer l'unité interne en disant on est ensemble face à un ennemi externe", explique à l'AFP Alexandre Hobeika, docteur en science politique, spécialiste de la FNSEA.
Mais, "Christiane Lambert va essayer de prendre un virage un peu différent, et d'être moins sur la défensive. Elle a construit en partie sa carrière sur les questions d'adaptation à la demande écologique", rappelle-t-il.
C'est loin toutefois d'être le seul enjeu auquel la nouvelle présidente aura à faire face: elle insiste notamment sur la chute des prix agricoles et l'appauvrissement des agriculteurs.
- "87% des Français nous aiment" -
"87% des Français nous aiment, merci à eux mais nous voulons leur lancer un appel, nous avons entendu leur demande de produits plus qualitatifs, avec plus de traçabilité et de bio mais tout ceci a un prix. Quand on achète un vêtement de marque française il est plus cher, c'est pareil pour l'agriculture, il faut donc que les consommateurs honorent la commande et soient prêts à acheter plus cher" et français, a-t-elle lancé.
"Nous avons de grands chantiers devant nous", a résumé Mme Lambert, comme les négociations de la prochaine PAC (qui s'appliquera à partir de 2020), la défense "déterminée et exigeante" des objectifs de la FNSEA de baisse des charges et de simplification des normes qu'elle compte demander au prochain président de la République, et les prochaines élections aux chambres d'agricultures.
La FNSEA qui préside 84 des 89 chambres d'agriculture françaises et a reçu 53,4% des voix lors des dernières élections professionnelles en 2013, doit réussir à maintenir sa place de syndicat incontournable.
"Le problème de la FNSEA est qu'elle a défendu historiquement un modèle commun" et se retrouve face à "l'éclatement du modèle agricole". Or "c'est difficile pour (le syndicat) de trouver un discours unifiant et des pratiques de conseil et d'accompagnement qui parlent à tout le monde", selon M. Hobeika.
Outre l'élection de Mme Lambert, le conseil d'administration a élu les membres du nouveau bureau: Jérome Despey, devient secrétaire général, Henri Brichart, producteur de lait et céréales dans l'Aisne, premier vice-président, et Henri Biès-Péré, exploitant agricole dans les Pyrénées-Atlantique, deuxième vice-président.
"Nous avons construit une équipe qui associe un maximum de régions et de productions au sein du bureau", a assuré la nouvelle présidente, évoquant le "climat serein" de ces élections.
Lors des dernières élections professionnelles aux chambres d'agriculture de 2013, la Coordination rurale (droite) avait remporté 20,5% des voix, la Confédération paysanne (gauche) 18,5%, et le petit Modef (ex-communiste )1,5%.