par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Les regrets exprimés par François Hollande sur l'annulation de la hausse de la TVA décidée par son prédécesseur Nicolas Sarkozy et la non-renégociation du traité européen ont provoqué un malaise à gauche et beaucoup d'ironie à droite.
Dans un entretien accordé en juillet dernier à la journaliste du Monde Françoise Fressoz, qui en rend compte dans un livre ("Le stage est fini", Albin Michel) à paraître jeudi, le chef de l'Etat fait son mea culpa, reconnaissant notamment avoir fait des réformes "qui ne sont pas de gauche".
Si François Hollande avait déjà reconnu qu'il n'avait pas obtenu la renégociation du traité budgétaire européen, ce qu'il assume en affirmant qu'il ne voulait pas d'un affrontement stérile avec Angela Merkel, c'est la première fois qu'il regrette d'avoir supprimé la hausse de la TVA décidée par son prédécesseur Nicolas Sarkozy juste avant la fin de son mandat.
Si c'était à refaire, "j'aurais gardé l'augmentation de la TVA décidée par Nicolas Sarkozy pour boucler le budget qu'il nous avait laissé, j'aurais fait le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour les entreprises et j'aurais évité les hausses dans les budgets suivants", déclare le président.
Les recettes générées par cette hausse étaient destinées à baisser les charges des entreprises, une politique finalement menée par François Hollande avec le pacte de responsabilité. Et le président socialiste a aussi fini par augmenter la TVA.
Si certains voient dans ces propos une sorte de droit d'inventaire dans la perspective d'une nouvelle candidature en 2017, d'autres, notamment au Parti socialiste, parlent de maladresse politique.
LE FOLL RAPPELLE LE "CONTEXTE"
Lors du compte rendu du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a rappelé que les décisions étaient prises "dans un contexte".
"Les promesses ont été respectées", a-t-il à propos de l'annulation de la hausse de la TVA, que François Hollande avait promise durant toute la campagne.
"Il y a toujours un regard lucide à apporter sur une action. Les décisions sont prises dans un contexte, il y a des moments d'urgence et après, avec le recul, on peut regarder les choses. C'est salutaire et nécessaire", a aussi déclaré l'ancien organisateur de la campagne du président.
Un autre membre du gouvernement exprime en privé son désaccord avec le chef de l'Etat, qui n'a selon lui pas à regretter d'avoir mis en oeuvre un "engagement de campagne", pris "collectivement" à l'époque.
"Le dispositif (de la hausse de la TVA-NDLR) était diabolique : une augmentation très forte de l'impôt, à appliquer après les élections", a-t-il dit à Reuters.
Politiquement, le mea culpa "ce n'est pas génial", a-t-il déploré. "Cela peut apparaître comme une faiblesse, du style 'je me suis trompé.'"
Encore plus sévère, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, classée à la gauche du PS, considère que François Hollande "n'est pas à la hauteur d'un chef d'Etat".
"S'il s'est trompé une fois, pourquoi pas une deuxième ? S'il n'a pas vu venir les problèmes, pourquoi demain ? Diriger, c'est prévoir. Ça ne donne pas une bonne image de sa capacité à diriger', a-t-elle déclaré à la chaîne Public Sénat.
LA DROITE PARLE DE "CRISE POLITIQUE"
A droite, les regrets présidentiels ont été accueillis avec une ironie teintée d'étonnement.
"Nous avons entendu quand même quelque chose d'extraordinaire : voilà un président, un candidat, qui fait campagne avec une vigueur extraordinaire pour dire 'la TVA sociale c'est un scandale' et puis aujourd'hui qui dit 'je me suis trompé'", a déclaré sur France Inter l'ancien Premier ministre Alain Juppé.
"Je croyais que c'était le PS qui soutenait le gouvernement, pas le Medef. Il y a une crise politique : M. Hollande n'a pas la majorité pour faire une politique qui n'est pas celle qu'il a annoncée", a ajouté le maire de Bordeaux, candidat à la primaire des Républicains.
D'autres, à droite, redoutent une manipulation.
"En pleine dérive sondagière, n'ayant aucun résultat positif à mettre en avant, François Hollande, déjà outrageusement en campagne pour la présidentielle de 2017, tente par petit calcul politicien le coup de l'humilité qui lui est si étrangère. Les Français ne seront pas dupes et ne se laisseront pas abuser une seconde fois", déclare Sébastien Huyghe, porte-parole des Républicains, dans un communiqué.
Le dirigeant centriste François Bayrou, qui avait voté pour François Hollande en 2012, estime que l'aveu n'est que partiel.
"Si François Hollande n'avait commis qu'une seule erreur, on ne serait pas dans la situation dans laquelle on est", a dit le patron du MoDem sur France Info.
(Avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)