La perspective d'une perte de la note triple A de la dette française s'est accentuée lundi avec une nouvelle menace de l'agence de notation Moody's qui a déprimé des marchés financiers déjà affaiblis par la crise la dette.
Après son premier coup de canif du 18 octobre, quand elle avait averti la France du risque de perdre, à terme, sa meilleure note, Moody's accroît encore la pression. Car, selon l'agence, la situation de la France continue de se dégrader.
Elle s'inquiète des taux de plus en plus élevés auxquels doit faire face le pays pour emprunter sur le marché obligataire et de la dégradation de ses perspectives de croissance.
Dans un commentaire, Moody's estime que "les coûts de financements élevés (sur une longue période, ndlr), conjugués à une perspective de croissance qui se détériore, auront des implications de crédit négatives". En clair, cela signifie une potentielle baisse de la note du pays.
Ces commentaires ont poussé à la baisse la Bourse de Paris, qui cédait plus de 2% dans l'après-midi.
"Ce n'est pas un scoop mais ça appuie là où ça fait mal", analyse Dov Adjedj, du courtier Aurel BGC.
"Cela fait belle lurette que la France ne mérite déjà plus son triple A", estime Laurent Geronimi, directeur de la gestion des taux chez Swiss Life Gestion privée.
"Les marchés vont même plus loin et se demandent désormais quand la France va perdre son triple A: avant ou après les élections présidentielles" d'avril, a-t-il ajouté.
Le gouvernement de Nicolas Sarkozy a fait de la sauvegarde du triple A par les trois grandes agences de notation une priorité.
"Spirale de contagion"
Le ministre des Finances François Baroin a d'ailleurs réaffirmé dans un communiqué "le caractère intangible des objectifs de réduction des déficits publics", tout en soulignant que "le niveau actuel des taux" auxquels emprunte la France "correspond à des conditions de financement qui sont très favorables".
Pour autant, selon Frederik Ducrozet, stratégiste obligataire au Crédit Agricole, la "menace d'étape" de Moody's "n'est pas surprenante compte tenu à la fois des taux qui continuent à progresser et de la révision à la baisse de la croissance française en 2012 à 1% contre 1,75% auparavant".
Les deux plans de rigueur adoptés depuis l'été risquent de ne pas suffire, puisque le gouvernement n'aura pas la main sur les évolutions de la croissance et sur les suites de la crise de la dette en zone euro.
La crainte des marchés à l'égard de la dette française s'est accentuée ces derniers jours. Les taux à 10 ans, baromètre de la confiance des investisseurs, grimpent, même s'ils restent inférieurs à leur niveau du printemps. Surtout, l'écart de taux ("spread") grandit avec le Bund, l'obligation allemande de référence. Il s'est creusé à un niveau historique la semaine dernière en dépassant les 200 points de base (2 points de pourcentage).
"La France est prise dans la spirale de la contagion et peu importe tout ce qu'elle pourra annoncer comme mesure de rigueur et toutes les promesses qu'elle fera, elle est entraînée dans un cercle vicieux", estime M. Ducrozet.
Dans les salles de marché, la France est de plus en plus considérée comme un pays du Sud de l'Europe au même titre que l'Espagne et l'Italie du fait de sa dette importante (1.700 milliards d'euros) et de sa faible croissance.
Pour les analystes interrogés, le seul moyen de mettre fin à cette épidémie est une action rapide et volontaire de la zone euro avec notamment une annonce choc lors du prochain sommet européen le 9 décembre. Tous les yeux sont tournés vers la Banque centrale européenne et l'Allemagne pour qu'ils se prononcent pour des rachats massifs des titres de dette des pays en difficulté.