par Sophie Louet
PARIS (Reuters) - Le débat sur l'Europe tourne à la bataille rangée entre les prétendants à la primaire présidentielle au sein de la droite française, qui multiplient les appels au référendum et les plaidoyers pour un nouveau traité.
Lancée le 9 mai par l'ancien ministre des Affaires européennes Bruno Le Maire, l'idée d'une consultation a été reprise par Alain Juppé, François Fillon et Nicolas Sarkozy après le "choc" du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni alors qu'ils y étaient jusqu'alors réticents.
Les concurrents, qui s'affrontent moins sur le fond que sur les modalités de la procédure, se voient contraints de marquer leur différence avec le référendum sur un "Frexit" réclamé par le Front national, qui veut en faire un thème dominant de la campagne pour la présidentielle de 2017.
Selon un sondage OpinionWay diffusé lundi pour Etat d'esprit Stratis et Public Sénat, 52% des Français (contre 48%) sont favorables à l'organisation d'un référendum sur la sortie de la France de l'Union européenne. Mais 53% se prononceraient pour le maintien de la France, contre 31% qui voteraient pour le "Frexit", 16% ne sachant pour quelle option voter.
"Organiser un référendum aujourd’hui en France serait totalement irresponsable", souligne Alain Juppé, favori des sondages pour 2017, dans un entretien publié lundi dans Le Monde. "En France, si on additionne les extrêmes, on pourrait avoir une majorité antieuropéenne."
"GIROUETTES"
Pour l'ancien chef de la diplomatie française, "si la France et l’Allemagne se mettent d’accord sur un accord de reconstruction de l’UE, et que des partenaires y sont associés, on pourra alors proposer aux peuples de l’approuver."
"Je ne suis pas contre un référendum – ce serait paradoxal pour un gaulliste – mais je pense qu’une telle consultation populaire se prépare."
L'avertissement vise en creux Nicolas Sarkozy, rival le plus sérieux d'Alain Juppé pour l'investiture, fraîchement converti à l'hypothèse d'un référendum alors qu'il en écartait l'idée le mois dernier dans Le Monde au motif que les questions européennes "sont de la compétence de la représentation parlementaire".
L'ancien chef de l'Etat plaide pour un traité "d'ici la fin de l'année", un calendrier jugé irréaliste par ses rivaux.
"Il y a des moments historiques où les hommes d’Etat ne sont pas faits pour suivre l’opinion. Ils sont là pour la guider", réplique Alain Juppé.
François Fillon a visé directement le président des Républicains dimanche, lors du "Grand Rendez-vous" Europe 1-Le Monde-iTELE, en dénonçant les "girouettes" et les responsables politiques qui s'"agitent sur leurs chaises".
Jean-François Copé, qui manifeste sa singularité en se disant "résolument opposé et à l'idée d'un nouveau traité et à l'idée d'un référendum", a pour sa part rappelé lundi le précédent de 2005 où le vote contre le traité établissant une Constitution européenne a selon lui été "détourné".
"IRRESPONSABLE"
Une critique là encore adressée à Nicolas Sarkozy qui ne jugea pas nécessaire de convoquer un référendum après la reformulation des principaux éléments de la Constitution dans le traité de Lisbonne.
La charge la plus vive envers Nicolas Sarkozy est venue de Bruno Le Maire qui a estimé sur iTELE que plaider pour un traité d'ici la fin de l'année était "totalement irréaliste" et "irresponsable".
"C'est irresponsable parce que ça veut dire qu'on va bâcler le travail : vous ne pouvez pas entre juin 2016 et décembre 2016 redéfinir l'orientation du premier continent en termes de puissance économique au monde", a-t-il dit.
"Cela prendra des années. Et à la fin de ce processus, uniquement à la fin, quand nous aurons un nouveau traité qui relancera la construction européenne, à ce moment-là et seulement à ce moment-là, ce traité sera soumis par référendum au peuple français", a-t-il dit.
L'ancien ministre en a profité pour égratigner au passage la proposition d'Alain Juppé d'un référendum pluri-européen : "C'est une drôle d'idée de décider à la place des autres Etats européens."
(avec Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)