Résigné à la perte quasi inéluctable du "triple A", le gouvernement se prépare à cette perspective comme il tente d'y préparer les Français, même s'il assure à qui veut l'entendre qu'il n'y aura pas de troisième plan de rigueur avant la présidentielle.
"Triple A": inconnue jusqu'alors du grand public, la notation absconse, qui depuis des décennies permet à la France de financer sa dette aux taux les plus favorables sur les marchés, a fait une entrée fracassante en 2011 dans le quotidien des Français.
En menaçant début décembre de dégrader les notes de 15 des 17 pays de la zone euro, l'agence américaine Standard & Poor's (S&P) a pointé du doigt la France, seule du lot à risquer de perdre deux crans d'un coup.
Depuis, Paris vit dans la hantise de la perte de ce "AAA" érigé en "trésor national" par l'économiste Alain Minc, proche du président Nicolas Sarkozy.
La pression est d'autant plus forte que la France est aussi suivie de près par les deux autres grandes agences de notation.
Fitch a placé mi-décembre la note de la dette du pays sous "perspective négative", décision impliquant un risque supérieur à 50% d'une dégradation "d'ici deux ans". Moody's doit rendre en janvier son verdict sur une mise sous "surveillance négative", elle aussi porteuse de perte à terme du "triple A".
Dans l'adversité, le gouvernement jure qu'il n'y aura pas de troisième plan de rigueur après ceux d'une vingtaine de milliards d'euros dévoilés fin août et début novembre.
Paris planche plutôt sur "des mesures de soutien à la croissance et à l'emploi", a confié la ministre du Budget et porte-parole du gouvernement Valérie Pécresse à l'issue du Conseil des ministres du 21 décembre.
Ces mesures seraient "débattues" lors du sommet avec les partenaires sociaux le 18 janvier, a-t-elle expliqué.
Equilibre instable
Puis la France mettrait ce nouveau plan sur la table du sommet européen du 30 janvier autour de "l'emploi", même si la réunion risque d'être à nouveau dominée par la crise de la dette.
Depuis l'été et les premières mesures d'austérité, Paris navigue sur une ligne de crête périlleuse, pour ne pas sacrifier la croissance à la maîtrise des déficits, que Bercy promet de ramener de 5,7% du PIB cette année à 4,5% l'an prochain.
Mais ce qui était déjà difficile avec une croissance initialement espérée autour de 2% pour 2012 relève encore plus de la gageure, depuis l'abaissement de cette prévision. Le gouvernement ne table plus que sur 1% de croissance l'an prochain. La plupart des analystes s'attendent plutôt à 0,5%, au mieux.
L'Insee lui-même juge "difficile" de parvenir à 1% de croissance, tablant sur une brève période de récession au tournant de l'année.
Le gouvernement assure disposer encore d'une marge de manoeuvre suffisante en cas de nouveau "choc de croissance": 6 à 8 milliards d'euros de crédits, mis en "réserve" dans le budget 2012.
Ce dernier, fait-on valoir à Bercy, repose sur une hypothèse défavorable de taux d'intérêt sur les emprunts à 10 ans de la dette française (3,7%) alors qu'ils oscillaient autour de 3% en fin d'année.
Conjuguées à des mesures de "consolidation de la zone euro", ce matelas permettrait, selon Valérie Pécresse, de "sortir au plus vite l'économie française du trou d'air actuel" sans nouveau plan d'austérité.
Certains analystes estiment cependant qu'il est déjà trop tard, tel Nicolas Bouzou (Asterès), qui table sur une croissance nulle dans le meilleur des cas l'an prochain et appelle à "recaler le budget dès le début de l'année", sans "attendre l'élection présidentielle".
Faute de quoi, augure-t-il, le gouvernement s'exposerait à une "cascade de dégradations" des notes de l'économie française.