Les grèves contre la réforme des retraites ont plombé en octobre une production industrielle française qui peinait déjà à redécoller après la crise, et si un certain rattrapage est attendu d'ici la fin de l'année, il pourrait être de courte durée.
Après deux mois de stagnation, la production a chuté de 0,8%, y compris dans la seule industrie manufacturière qui exclut l'activité minière et la construction, a annoncé vendredi l'Institut national de la statistique (Insee).
Ce "nouvau coup d'arrêt pour l'industrie française", selon l'économiste Alexander Law du cabinet Xerfi, est en fait un trompe-l'oeil.
En effet, l'entourage de la ministre de l'Economie Christine Lagarde fait valoir que ce repli "reflète l'effet des mouvements sociaux sur l'activité du seul secteur du raffinage".
Le long blocage des dépôts de carburant et des raffineries, qui avait entraîné une pénurie de carburant à la veille des vacances de la Toussaint, a ainsi provoqué un effondrement de 56,5% de la cokéfaction et du raffinage en octobre par rapport au mois précédent.
Cette très mauvaise performance "a pesé sur l'activité d'ensemble", estime M. Law, mais la chute devrait être aussi exceptionnelle que ponctuelle.
"Un contrecoup technique important à la hausse devrait avoir lieu en novembre dans ce secteur", assure-t-on à Bercy, un point de vue plus ou moins partagé par les analystes.
"Ce décrochage devrait être en partie rattrapé à la hausse en novembre et décembre", prévoit Nicolas Bouzou, du cabinet Asterès, tout comme Victoire Dumaine-Martin, de Natixis, qui s'attend à "un rebond dans les prochains mois".
Pour autant, prévient Alexander Law, cela pourrait ne pas suffire à compenser "complètement la déperdition" d'octobre, et ce démarrage pénible du dernier trimestre ne "paraît pas indiquer une accélération de la croissance en cette fin d'année", telle qu'annoncée par le gouvernement et la Banque de France, "bien au contraire".
L'évolution des autres secteurs est en effet mitigée.
Certes, plaide-t-on au ministère de l'Economie, "des signaux favorables demeurent: la production de biens de consommation non durables augmente (+0,9% en octobre après +0,4%) et celle de biens d’investissement progresse de +0,6%", tandis que les enquêtes auprès des industriels "suggèrent que l'activité des autres branches devrait continuer à progresser en fin d’année".
La hausse de 1,6% de la production des équipements électriques, électroniques, informatiques ainsi que des machines est particulièrement bienvenue, car elle confirme "que l'investissement des entreprises a cessé de chuter", souligne Marc Touati, d'Assya Cie financière.
Mais en contrepartie, des chutes dans la chimie (-3%) et l'habillement (-2,2%) peuvent s'avérer inquiétantes, tout comme dans la production d'avions, bateaux et trains (-2,8%), un secteur dont Alexander Law relève "l'importance dans le commerce extérieur de la France", très dépendant des gros contrats.
Et si la production automobile a été bien orientée (+4,2%), ce secteur emblématique particulièrement frappé par la crise est encore loin d'avoir retrouvé sa splendeur d'antan. Avec la fin définitive de la prime à la casse, début 2011, il devrait même entamer "une longue traversée du désert", prévient M. Touati.
Après le rebond attendu en cette fin d'année, la production industrielle pourrait donc "ralentir au rythme de la disparition de tous les facteurs favorables, comme la prime à la casse, et de l'entrée en vigueur du plan d'austérité budgétaire", explique Victoire Dumaine-Martin.