ALGER (Reuters) - Plusieurs centaines de milliers de manifestants ont envahi vendredi les rues du centre d'Alger dans le cadre d'une "Marche des 20 millions" organisée pour protester contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à cinquième mandat consécutif.
Le mouvement, qui entre dans sa troisième semaine, est d'une ampleur sans précédent depuis 1991, lorsque l'armée avait interrompu le processus électoral après la victoire du Front islamique du Salut.
Le rassemblement de vendredi a été globalement pacifique, mais la police a fait usage de gaz lacrymogène dans plusieurs quartiers de la capitale, notamment pour empêcher les manifestants d'approcher du palais présidentiel. Selon la télévision publique, 195 personnes ont été interpellées.
Agé de 82 ans, le chef de l'Etat qui briguera donc un cinquième mandat le 18 avril, ne s'est pas exprimé en public depuis son accident vasculaire cérébral de 2013 et se trouve actuellement à Genève pour des raisons médicales.
Fatigués de la corruption et du chômage, qui touche un quart des moins de trente ans, lassés par une élite âgée jugée déconnectée des préoccupations des jeunes, les Algériens manifestent depuis le 22 février contre sa candidature. La mobilisation policière va croissant, mais l'armée n'est pas intervenue.
Le général Gaed Salah, son chef d'état-major, a de nouveau promis mercredi de préserver la paix et la sécurité. Dans le dernier numéro de son magazine Djeich, cité par l’agence de presse officielle, l'appareil militaire assure entretenir des relations positives avec les Algériens.
"BOUTEFLIKA DÉGAGE !"
Le peuple et l'armée ont la même vision et le même destin, dit l'auteur de l'article. "Tous deux appartiennent au même pays. Il n'y a pas d'alternative."
Plutôt que de prier pour le président, comme il le fait d'ordinaire le vendredi, l'un des imams les plus influents du pays a souhaité le meilleur à l'Algérie et à son peuple.
Autre changement de registre significatif, l'agence de presse publique APS indique que les manifestants réclament un "changement de régime", alors qu'elle parlait jusqu'ici de "changement politique" et n'a pas fait état des premiers rassemblements.
Au sein du Front de libération nationale (FLN), parti au pouvoir depuis l'indépendance, plusieurs députés ont annoncé leur départ et ont rejoint les rangs des contestataires, rapporte Echorouk TV, une chaîne privée.
Le trafic des trains et des métros à été interrompu sans explication dans la capitale avant le début de la marche. D'autres manifestations ont eu lieu à Constantine, Annaba, Skikda, Bouira ou Tizi Ouzou.
Jeudi, Abdelaziz Bouteflika, qui est au pouvoir depuis 1999, a lancé son premier avertissement aux manifestants, qui risquent selon lui de semer le chaos.
"Les gaz lacrymogènes sont de plus en plus fréquents", a déclaré l'un d'eux interrogé dans le cortège, alors que des adolescents perchés sur les toits surveillaient les mouvements de la police.
"Bouteflika dégage !", "L'Algérie est une république, pas un royaume", "Pas d'élections avant la chute des gangs", pouvait-on lire sur les banderoles.
(Rédaction d'Alger avec Tom Miles à Genève, Tarek Amara et Ulf Laessing à Tunis et Hesham Hajali au Caire; Nicolas Delame et Jean-Philippe Lefief pour le service français)