"Croissance" et "reprise" en tête de gondole, rigueur et austérité en arrière-plan, voilà la tonalité des budgets 2014 alignés ces dernières semaines par les gouvernements européens.
Les grands argentiers de la zone euro avaient jusqu'au 15 octobre pour transmettre à Bruxelles leurs projets de budget pour 2014, conformément aux règles en vigueur sous l'appellation de "2 pack".
Ils ont rendu leur copie en bons élèves. L'Allemagne a comme prévu joué les premiers de la classe en présentant un budget à l'équilibre pour l'an prochain et même "légèrement excédentaire" au niveau structurel pour l'Etat fédéral, en assurant être un "hâvre de stabilité en Europe".
Le Premier ministre italien Enrico Letta s'est lui félicité d'avoir respecté in extremis le calendrier, "bien que les tensions politiques du mois dernier ne nous aient pas rendu la tâche très facile". "Nous avons couru", a-t-il résumé.
"Tous les Etats membres (de la zone euro) ont envoyé leur projet de budget comme prévu", a confirmé mercredi un porte-parole à Bruxelles.
Malgré cet empressement généralisé, les gouvernements ont martelé que leurs budgets n'avaient pas été rédigés sous la dictée de l'exécutif européen et ont mis l'accent sur la croissance.
Le même Enrico Letta a clamé que son budget 2014 était "le premier qui ne commence pas par des coups de ciseaux ou de nouveaux impôts pour Bruxelles". L'Italie aligne 27,3 milliards d'euros sur trois ans pour alléger la fiscalité des travailleurs comme des employeurs et financer des investissements.
La Belgique a elle transmis à la Commission un budget "conforme" à l'objectif des 3% de déficits publics maximum, avec un taux à 2,15% du produit intérieur brut (PIB), grâce à des réductions de dépenses et une augmentation de la taxe sur les biocarburants.
La France ne repassera, elle, pas sous la barre avant 2015. Le gouvernement, tout en vantant un budget "de souveraineté" et "pour la croissance et l'emploi", a lourdement insisté sur sa volonté de baisser la dépense publique de 15 milliards d'euros au total.
Du côté des pays sous assistance, la balance penche plus nettement vers la rigueur.
Au Portugal, par exemple, avec un effort annoncé de réduction du déficit de 3,9 milliards d'euros. Mais Lisbonne a aussi enclenché une réduction progressive du taux de l'impôt sur les sociétés, de 25% en 2013 à 23% l'an prochain, puis entre 17 et 19% en 2016.
Quant à l'Irlande, pressée de s'affranchir de l'aide internationale, elle a mis sur les rails son septième budget d'austérité consécutif qui prévoit un effort de consolidation de 2,5 milliards d'euros. Mais pas question de toucher au taux très bas de l'impôt sur les sociétés (12,5%).
"Moins agressifs"
En Espagne, "c'est le budget de la reprise économique", a assuré le ministre du Budget, Cristobal Montoro. Dans les faits toutefois, le pays, qui bénéficie d'une aide européenne pour ses banques, se serre la ceinture pour réduire son déficit public à 5,8% en 2014. Les dépenses des ministères espagnols vont fondre de 4,7%, fonctionnaires et retraités seront mis à contribution.
Les Pays-Bas, qui eux ne dépendent d'aucune aide, ont aussi mis l'accent sur les économies, soit 6 milliards dans le budget 2014.
Dans l'ensemble, "on reste sur des budgets de rigueur mais tout de même moins agressifs, ce qui est une bonne chose", juge Dominique Barbet, économiste chez BNP Paribas.
"Les budgets font plus de place à la croissance", estime aussi Rémi Lelu De Brach, gérant obligataire chez Quilvest Gestion.
Mais pour les deux experts, l'instrument budgétaire ne suffira pas pour remettre véritablement l'Europe sur le chemin de la reprise.
"Ce qu'il faut vraiment retrouver, c'est de la croissance par les exportations", lance Dominique Barbet pour qui "le vrai problème ce n'est pas les budgets, c'est l'euro surévalué". "Tout le monde se préoccupe de sa monnaie, de ce qu'elle ne soit pas surévaluée. Tout le monde sauf nous", déplore-t-il.
Pour Rémi Lelu De Brach, il est illusoire de vouloir "appliquer à tous les pays les mêmes solutions" budgétaires, à savoir une combinaison d'une baisse de l'impôt sur les entreprises, et de coupes dans les dépenses. Cela risque de "durcir la compétition entre les pays en Europe", c'est "un jeu à sommes nulles", assure-t-il.