par Andrea Shalal
BERLIN (Reuters) - Le parti Alternative für Deutschland (AfD), hostile à la politique d'accueil des réfugiés décidée par Angela Merkel, devrait réaliser une percée spectaculaire lors des élections régionales qui ont débuté dimanche dans le land de Mecklembourg-Poméranie occidentale.
C'est dans cette région de l'ex-Allemagne de l'Est, sur les bords de la Baltique, à la frontière polonaise, que la chancelière fédérale a entamé sa carrière politique après la chute du mur de Berlin. Mais les sondages prédisent que son parti, l'Union chrétienne démocrate (CDU), pourrait être devancé par l'AfD.
Ce serait une première en Allemagne et un coup de tonnerre symbolique, un an jour pour jour après sa décision d'ouvrir les frontières aux réfugiés qui étaient bloqués en Hongrie et un an avant les prochaines élections législatives fédérales, où elle pourrait briguer un quatrième mandat.
Créé en 2013 initialement contre les plans de renflouement financier dans la zone euro, l'AfD s'est mué en un parti anti-immigration incarnant une ligne opposée à celle défendue par Merkel.
En mars dernier, il a engrangé le fruit de ses prises de position aux régionales dans les länder du Bade-Wurtemberg, de Rhénanie-Palatinat et surtout en Saxe-Anhalt où, avec plus de 24% des voix, il est devenu la deuxième force politique régionale, talonnant la CDU.
Dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale, les derniers sondages le donnent au coude à coude avec la CDU dans les intentions de vote, à 22% chacun. Les sociaux-démocrates du SPD, qui gouvernent dans le cadre d'une "grande coalition" avec la droite, conserveraient leur première place avec 28%.
A la veille de ce vote, Angela Merkel a effectué samedi un ultime déplacement de campagne à Bad Doberan, une petite localité de son land d'origine, mettant en garde contre la "politique de la peur" qu'incarne à ses yeux l'AfD.
"Chaque voix va compter", a-t-elle dit. "Cette élection porte sur l'avenir de ce Land", a poursuivi la chancelière, demandant aux électeurs de passer outre les slogans de campagne et de mesurer les effets de la politique menée par la coalition sortante, à laquelle participe la CDU, qui a divisé le chômage par deux et encouragé le développement du tourisme.
"ASSUMER CETTE RESPONSABILITÉ HUMANITAIRE
ÉTAIT LA BONNE CHOSE À FAIRE"
Dans une interview accordée samedi au quotidien Bild, le journal le plus lu du pays, elle défend par ailleurs la décision prise le 4 septembre 2015 d'ouvrir les frontières de l'Allemagne aux dizaines de milliers de réfugiés qui étaient bloqués en Hongrie, pays de première arrivée dans l'espace européen.
La chancelière ajoute que l'effort financier qui a accompagné l'arrivée d'un million de migrants en provenance notamment de Syrie, d'Irak et d'Afrique du Nord n'a privé aucun Allemand des prestations ou allocations sociales.
"Nous n'avons rien pris aux gens ici. Nous poursuivons notre grand objectif de maintenir et d'améliorer la qualité de la vie en Allemagne", dit-elle.
Mais un an après cette décision qualifiée à l'époque de geste humanitaire, sa cote de popularité est tombée au plus bas de ces cinq dernières années, à 45%. Et pour 63% des Allemands interrogés par l'institut Emnid, sa politique d'accueil est le principal facteur de l'essor électoral de l'AfD.
Les agressions sexuelles du nouvel an à Cologne et dans d'autres villes du pays puis la série d'attaques commises en juillet dernier, dont deux ont été revendiquées par l'organisation Etat islamique (EI), ont alimenté le débat sur la capacité de la société allemande à intégrer cet afflux.
Dans les sondages nationaux, l'AfD est crédité de 12% des intentions de vote, ce qui en fait la troisième force politique et lui permettrait, surtout, d'accéder pour la première fois au Bundestag, le parlement fédéral.
Si c'était à refaire, juge cependant Merkel dans les colonnes de Bild, elle le referait. "Il est absolument évident qu'une année comme l'an dernier ne peut pas être reproduite (...) Mais assumer cette responsabilité humanitaire et continuer à le faire était la bonne chose à faire, ", dit-elle.
(avec Andreas Rinke, Hans-Edzard Busemann et Noah Barkin; Henri-Pierre André et Tangi Salaün pour le service français)