L'ex-fleuron de la photographie mondiale et emblème du capitalisme américain, Eastman Kodak, a annoncé jeudi qu'il s'était placé sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, pour se restructurer à l'abri des demandes de ses créanciers.
L'entreprise, qui dispose d'une facilité de crédit de 950 millions de dollars négociée auprès de la banque Citigroup, "pense qu'elle dispose de liquidités suffisantes pour opérer son activité dans le cadre du chapitre 11, et continuer à fournir produits et services à ses clients comme à l'ordinaire", a indiqué le groupe dans un communiqué diffusé en pleine nuit.
Les filiales du groupe hors des Etats-Unis ne sont pas incluses dans la demande de placement sous le chapitre 11, qui a été déposée auprès d'un tribunal de New York. Elles continueront à honorer normalement leurs engagements financiers, a assuré l'entreprise américaine.
La décision était attendue par les marchés, qui ont fait tomber l'action mercredi à 55 cents, alors qu'elle en valait dix fois plus il y a un an.
Désormais protégé de ses créanciers, Kodak va pouvoir se concentrer sur la vente de son riche portefeuille de brevets, régler de vieux contentieux et se concentrer sur ses activités les plus rentables. L'objectif est de ressortir du processus de faillite avec une société plus agile et rentable, comme l'avaient fait quelques années plus tôt d'autres icônes du "made in the USA", comme les constructeurs automobiles General Motors et Chrysler.
Kodak, qui est conseillé dans ce processus par la banque d'affaires Lazard et les cabinets spécialisés FTI Consulting et Sullivan & Cromwell, espère voir son plan de restructuration approuvé par la Justice de manière à revenir à une exploitation normale dans le courant de 2013.
La société plus que centenaire, basée à Rochester, dans le nord de l'Etat de New York, n'a cessé de décliner depuis qu'elle raté le train du numérique au tournant du millénaire, alors même qu'elle était à l'origine de nombre des inventions à l'origine de ces nouvelles technologies.
Kodak avait lancé en 1975 ce qu'il présente comme le premier appareil photo numérique, un boîtier noir et blanc de la taille d'un grille-pains. Mais lorsque le numérique a explosé, le fabricant des légendaires pellicules Kodachrome s'est laissé devancer par ses concurrents, notamment asiatiques.
A la veille de son dépôt de bilan, la société jaune et rouge ne valait plus que 150 millions de dollars en Bourse, alors qu'elle avait figuré pendant plus de 70 ans dans le club très fermé des 30 valeurs composant l'indice Dow Jones. Retirée de l'indice en 2004, la valeur était menacée depuis plusieurs semaines d'une expulsion pure et simple de la cote, en raison d'un cours insuffisant.
Depuis 2003, Kodak a fermé 13 usines et 130 laboratoires et supprimé 47.000 postes, a rappelé Antonio Perez, le PDG du groupe cité dans le communiqué. La société estime réaliser désormais 75% de son activité dans le numérique, via la vente de licences et dans les technologies d'impression.
Le PDG n'a pas précisé pas l'impact prévisible de cette stratégique sur l'emploi, alors que Kodak compte encore 18.000 salariés dans le monde.
Son portefeuille de plus de 1.000 brevets dans l'imagerie ont généré plus de 3 milliards de dollars de royalties depuis 2003, a fait valoir le groupe. Mais Kodak n'a plus dégagé le moindre profit depuis 2008.
"Maintenant nous devons terminer notre transformation en nous attaquant davantage à notre structure de coûts et en monétisant efficacement des actifs non stratégiques", a déclaré M. Perez.